Accueil | A la Une | [Athlétisme] Une MPM en janvier, ça vaut quoi ?

[Athlétisme] Une MPM en janvier, ça vaut quoi ?


Patrizia van der Weken peut avoir le sourire : elle a vécu sa toute première finale mondiale! (Photo : luis mangorrinha)

Patrizia Van der Weken et Bob Bertemes détiennent depuis dimanche la meilleure perf mondiale de la saison. Mais que valent ces performances ?

La 21e édition du CMCM a été tout simplement exceptionnelle. Les Luxembourgeois, notamment, ont littéralement mis le feu à une Arena dont Sasha Zhoya, recordman du monde juniors des 60 et 110 m haies et présent à la Coque pour encourager ses potes, a dit qu’elle pourrait sans problème accueillir des compétitions Gold. Pour rappel, le CMCM n’est, à l’heure actuelle, classé «que» bronze. Soit le troisième échelon dans la hiérarchie des épreuves internationales (voir encadré ci-dessous).

Lors de ce rendez-vous incontournable de l’athlétisme au Luxembourg et de plus en plus en Europe voire dans le monde, il y a eu deux temps forts. Deux épreuves qui ont fait vibrer les spectateurs massés dans les gradins : le lancer du poids. Et le 60 m. Deux épreuves sur lesquelles les Luxembourgeois ont brillé de mille feux. Et signé tout simplement la meilleure performance mondiale de la saison.

Au poids, Bob Bertemes, qui menait le concours avec 21,20 m n’était «qu’à» 30 cm des 21,50 m requis pour valider son billet pour les JO de Paris. Après l’ultime essai de son seul rival et détenteur de la meilleure perf mondiale de la saison Mesud Pezer (22,22 m mais qui a lancé à 20,61 m au CMCM), il a envoyé son poids très, très loin. Il a levé le doigt en signe de victoire avant de se prendre la tête à deux mains car un juge estimait son essai mordu. Finalement, après avoir effectué un «protest» officiel, il a vu son essai validé. Avec 21,71 m, il améliore donc le record du meeting qu’il détenait (20,78 m), se qualifie directement pour les JO et s’empare de la meilleure performance mondiale de l’année.

Quelques minutes plus tard, c’est au tour de Patrizia Van der Weken d’entrer en piste. La sprinteuse ettelbruckoise, qui vient d’effectuer sa rentrée en améliorant son record du 60 m qui datait d’il y a deux ans (7« 17 contre 7« 21), va affoler les chronos. Elle remporte sa série en 7« 11, égalant la meilleure perf de l’année détenue par l’Américaine Aleia Hobbs. Et en finale, elle fait encore mieux en signant un fantastique 7« 09 : «Là, ça ne rigole pas», confie-t-elle après son exploit.

Il s’agit là de deux performances de très haut niveau, qui ont mis sous l’éteignoir les deux records nationaux battus respectivement par Victoria Rausch (8« 16 contre 8“17 sur 60 m haies) et Charline Mathias (2’03« 80 contre 2’03« 91 sur 800 m).

Bertemes, conscient que ce n’est pas assez pour le top mondial

Bob Bertemes peut lever le doigt : même si sa perf sera forcément vite battue, il n’a pas raté son rendez-vous du CMCM.

Mais que valent des meilleures performances mondiales à ce stade de la saison c’est-à-dire en janvier alors que de nombreux athlètes n’ont pas encore démarré la leur. La question mérite effectivement d’être posée. On se rappelle qu’en 2012, quand il avait fait son incroyable 2’09« 78 sur le 200 m brasse qui l’envoyait à Londres, Laurent Carnol avait détenu, pendant quelques semaines, la meilleure performance mondiale de l’année. Qui avait ensuite été largement dépassée. Faut-il donc se concentrer sur cette désignation ?

Pour Bob Bertemes, ce n’est clairement pas ce qu’il retient : «Le plus important, c’est la qualif pour les JO et le record du meeting. Il me tenait à cœur qu’un tel meeting ait un record à plus de 21 m.» Quant à la MPM : «Je sais très bien que de très nombreux lanceurs n’ont pas encore démarré leur saison. Si je peux la garder une semaine, ce sera déjà très bien. Mais le temps où lancer 21 m suffisait pour faire partie du top niveau mondial est révolu. Maintenant, il y a des mecs qui lancent régulièrement au-delà de 22 m.» En clair, il sait ce que vaut sa performance. Et qu’elle ne restera pas longtemps en tête des bilans mondiaux.      

La situation est un peu différente pour Patrizia Van der Weken, comme l’explique Arnaud Starck, son entraîneur : «Déjà, de manière factuelle, Patrizia détient la meilleure performance mondiale de l’année à l’instant T. Bien sûr, ça ne restera pas comme cela mais il y a déjà des filles très fortes qui ont commencé leur saison.»

Van der Weken, du top niveau mondial

En voyant son chrono, Raymond Conzemius, le DTN du COSL, a eu cette réflexion : «C’est un chrono qui vaut moins de 11«  sur 100 m…» Et pour le coach de l’athlète, c’est effectivement le cas : «Je pense qu’elle est un peu mieux que sur son 100 m. Avec son style de course, c’est pratiquement sûr que c’est sous les 11« 

Le tout alors qu’on parle d’une jeune femme qui n’est pas une spécialiste du 60 m : «Quand tu regardes la finale, elle n’est pas en tête aux 30 m et en l’espace de 30 m, elle prend un dixième à la fille d’à côté. Ce sont les 30 m où elle atteint sa vitesse maximale. Une fois le placement trouvé, ça roule. Mais avant il y a le départ, où il faut être explosive, ce qui n’est pas sa qualité première. Ensuite, la mise en action et l’accélération qui sont une zone où elle n’est pas trop à l’aise. Il faut tout mettre en place pour avoir le plus de vitesse possible et le bon placement pour aller chercher sa vitesse maximale. Et après, effectivement ça roule.»

Que vaut un tel chrono? Rien de tel que les chiffres pour en avoir une idée : «L’année dernière, avec 7« 09, elle était 14e aux bilans mondiaux. Et on parle de sprint, une course universelle. En 2022, elle aurait été 9e et en 2021 5e.» Bien sûr, le sprint progresse chaque année mais cela donne une idée assez précise de la performance de la Luxembourgeoise. Qu’on attendra forcément au tournant à Glasgow, aux championnats du monde : «Le but, c’est de reproduire la même chose quand c’est vraiment important. Sur un grand championnat. Faire le même chrono en demi-finale à Glasgow. Et avoir pour objectif de viser une place en finale. Dimanche, elle a fait deux courses régulières avec deux chronos qui te permettent de te qualifier pour une finale mondiale. En 2022 pour se qualifier, il fallait courir en 7« 14, en 2018 c’était 7« 17…»

Factuellement, Patrizia Van der Weken est la fille la plus rapide de l’année sur 60 m au 21 janvier 2024. Objectivement, la jeune femme de 24 ans fait désormais partie de l’élite mondiale. On rappelle qu’elle était sixième meilleure performeuse européenne de l’année sur 100 m avec 11« 02 l’an passé.

Combien de temps ces deux meilleures performances mondiales tiendront-elles? Peut-être pas très longtemps. Mais peu importe. Comme l’explique Jean-Sébastien Dauch, directeur général : «C’est un bonheur de voir ce matin deux Luxembourgeois en tête des bilans mondiaux.» On ne va pas le contredire.

Un meeting qui veut grandir

La Coque est un écrin. Qui mérite de grandes compétitions. Comme le CMCM. S’il est classé Bronze Label, il aspire à passer au moins Silver à moyen terme. Seulement pour ce faire, le nerf de la guerre reste l’argent : «On a besoin de plus de soutien (sponsors, partenariat, etc) pour augmenter le budget et envisager de grandir vers un Silver», confie Jean-Sébastien Dauch.  Outre un prize money plus que doublé, monter en gamme impliquerait également d’autres domaines : «Il faudrait monter en puissance au niveau des juges. Faire des partenariats avec les fédérations voisines pour en avoir plus qui ont l’habitude des compétitions internationales. Et également envoyer nos juges sur des compétitions importantes pour qu’ils puissent pratiquer à un certain niveau.»

Plus d’argent, du personnel plus qualifié, une communication renforcée pour attirer encore plus de spectateurs… Les chantiers sont nombreux pour espérer arriver à franchir un nouveau cap. Et comme le rappelle encore Jean-Sébastien Dauch : «Le boulot commence aujourd’hui!»