On ne leur a pas demandé leur avis, mais ils le donnent. Les représentants des droits des patients critiquent la réforme de l’assurance dépendance qui, selon eux, va détériorer la qualité des soins.
Ils auraient bien aimé être consultés parce qu’ils avaient des choses à dire. Les patients à qui s’adresse cette réforme estiment que le «système à paliers», qui est la nouveauté du texte, n’est pas du tout bénéfique pour les personnes dépendantes.
L’ASBL Patiente Vertriedung, qui représente les droits des patients, ne figurait pas sur la liste des destinataires de l’avant-projet de loi relatif à la réforme de l’assurance dépendance. Fort dommage, laisse entendre son président, René Pizzaferri, lors d’une conférence de presse. Certes, le groupement n’a pas la prérogative d’aviser des projets de loi, mais il a toujours «participé au dialogue», comme le souligne son président dans une lettre adressé au ministre de la Sécurité sociale, Romain Schneider, en date du 21 juin 2016.
Un courrier resté sans réponse à ce jour, à en croire l’association des patients qui dans son message relève encore qu’elle avait été la première à solliciter une entrevue au sujet de cette réforme. L’avant-projet de loi présente, selon la Patiente Vertriedung, des changements qui ne vont pas dans le bon sens.
«Nous voulons conserver ce que nous avons en apportant quelques améliorations», déclare Michèle Wennmacher, conseillère à l’ASBL. Elle s’est efforcée hier de pointer les insuffisances du texte et surtout de critiquer la mise en place d’un «système à paliers» prévue avec les 15 niveaux de prise en charge. Une prise en charge par niveau de besoins, la grande nouveauté introduite par cette réforme.
Pour rappel, ce système de prise en charge par niveaux permet d’adapter les prestations auxquelles les bénéficiaires ont droit selon leurs vrais besoins du moment. Pour les cinq «actes essentiels de la vie» (hygiène corporelle, nutrition, mobilité, habillement et élimination), la Cellule d’évaluation et d’orientation (CEO) définit un volume de temps de prise en charge selon 15 niveaux de besoins en aides et en soins. À titre d’exemple, le niveau 1 correspond à un intervalle allant de 210 minutes à 350 minutes hebdomadaires. Le niveau 15, ce sont plus de 2 170 minutes.
Contrôles difficiles
Ce système entraîne plus de flexibilité dans les soins, ce qui n’est pas fait aujourd’hui sera fait demain si nécessaire, mais en tout cas le temps est accordé pour exécuter toutes les tâches. «C’est bien, mais comment contrôler les actes? Si un contrôle est effectué, le prestataire pourra toujours dire qu’il avait prévu de faire cette tâche le lendemain, c’est un peu facile», estime René Pizzaferri.
La réforme introduit plus d’opacité selon l’association, ce qui aura des répercussions sur la qualité des soins. «Le système actuel de minutage, à savoir une évaluation individuelle, objective et équitable des capacités et besoins de la personne tant au niveau des actes essentiels de la vie qu’au niveau des besoins spécifiques est transparent et précis», juge l’association qui plaide pour son maintien.
Le «système à paliers» risquerait ainsi d’inciter les prestataires à remplir les tâches les plus lucratives qui sont incluses dans les forfaits et négliger les autres besoins. «Nous demandons que soient mis en place de manière transparente des normes et des critères de qualité», revendique l’association qui veut les voir fixés par un règlement grand-ducal. Les contrôles de qualité ne doivent pas se faire par écrit mais sur place, demande encore l’association qui voit d’un mauvais œil la documentation basée sur une liste d’indicateurs de qualité. «On peut toujours très bien soigner un patient sur le papier, mais la réalité est peut-être tout autre, donc rien ne vaut un contrôle sur place, à l’improviste et pas seulement tous les deux ans!», explique de son côté Georges Clees.
Les forfaits rendent donc difficiles ces contrôles, car ils se présentent en temps accordé (360 minutes par semaine, par exemple) sans tâches précisément définies. Or une fois les critères de qualité bien définis, il faudrait que le prestataire soit sévèrement puni en cas de manquement. Le texte prévoit un remboursement des sommes déboursées par l’assurance dépendance, mais l’association voudrait que soient infligées des amendes aux prestataires négligents.
Quant à l’aidant informel, qui accompagne la personne dépendante, souvent un proche, son rôle et ses compétences doivent être ancrés dans la loi et non dans un règlement grand-ducal, estime encore l’association. Elle critique aussi les tâches administratives liées à la réforme qui ne vont pas dans le sens d’une simplification, bien au contraire. Le ministre Romain Schneider caresse toujours l’espoir d’une entrée en vigueur de cette réforme pour le
1er janvier 2017. Ce dont doute l’association de défense des droits des patients.
Geneviève Montaigu