Quatorze ans après avoir subi un accident en rentrant du travail, Cindy Humbert a décidé de créer une ASBL afin d’aider les victimes d’un accident du travail face aux difficultés administratives et de guérison, physique comme mentale.
Un soir de janvier 2009, Cindy Humbert rentre du travail au volant de sa voiture lorsqu’une automobile, en contresens sur l’autoroute, la heurte de plein fouet. Sa vie bascule. La jeune femme de 28 ans voit son pronostic vital engagé, tandis que l’automobiliste en face décède sur le coup. Sans séquelles visibles 14 années plus tard, rien ne laisse deviner que cette mère de famille a vécu un tel accident, avec son large sourire et son enthousiasme contagieux.
«Mais, pour s’en sortir et se dire que la vie vaut le coup d’être vécu, il faut être bien entouré», témoigne-t-elle. Cet accompagnement, selon elle, est nécessaire afin de «se soigner physiquement et psychiquement et faire les démarches administratives». Un parcours de «combattant» après avoir été victime d’un accident, surtout s’il survient dans le cadre du travail. Alors, Cindy Humbert a récemment décidé de créer une ASBL pour soutenir les victimes d’un accident du travail ou d’une maladie professionnelle. Immatriculée depuis le 8 mars 2023 à Rodange, l’association a pour objectif d’apporter une aide morale, juridique et pratique.
Une tâche complexe dans laquelle Cindy Humbert ne s’embarque pas seule, ni sans expérience. En tant que victime, elle connaît les étapes de «la vie d’après» : «Il y a des rendez-vous médicaux à prendre tous les jours, des papiers à remplir pour l’employeur, l’administration, l’assurance, la retraite et d’autres encore.» Habitant au Luxembourg mais née en France, elle a par exemple dû engager un avocat pour chaque pays, ainsi que passer des heures au téléphone avec l’Association d’assurance accident (AAA). «J’ai harcelé ma conseillère de l’AAA, j’avais tout le temps des questions», plaisante-t-elle aujourd’hui.
2 589 accidents du travail ont eu lieu sur la route
L’accident ayant meurtri son corps, elle a dû aussi batailler pour être reconnue comme travailleuse handicapée, son taux d’invalidité variant entre le Grand-Duché et la France de 55 % à 22 %. Victime d’un accident en rentrant du travail, elle constate «l’opacité et le peu de jurisprudence» en la matière, tout comme le manque de coordination entre les différentes administrations.
Ce constat, elle n’est pas la seule à le partager. Après son accident, elle devient bénévole pour l’Association nationale des victimes de la route (AVR) au Luxembourg et rencontre d’autres personnes dans le même cas. C’est là que, par le bouche à oreille ou à la suite de ses interventions pour l’association, «les gens (la) contactent pour (lui) demander comment remplir tel papier, par exemple». Et en matière de conseil, il y a de quoi faire. En 2021, selon les chiffres de l’AAA, 2 589 accidents du travail ont eu lieu sur la route au Luxembourg.
C’est à l’AVR aussi qu’elle fait la rencontre de Josy, avec qui elle participe à la campagne «Vision 0» en 2017 et 2018, qui ciblait un objectif de zéro tué ou blessé sur la route. «Il y avait nos têtes dans le tramway ou au bord de l’autoroute, c’était marrant.» Au-delà de cette médiatisation, elle se lie d’amitié avec cet homme, avec qui elle discute du manque d’accompagnement après un accident. Finalement, en 2022, ils sautent le pas en créant une ASBL – «l’AAA nous soutient dans notre démarche parce qu’on va les soulager» – et en s’entourant. Son ami entraîne sa femme avec lui, et Cindy Humbert, elle, son frère et sa conjointe dans ce qui s’appelle l’Association nationale des victimes d’accidents du travail et des maladies professionnelles (AVT).
«En parler, c’est avancer»
«C’est une chaîne : celui qui est aidé veut aider à son tour», explique Cindy Limonier face à la motivation de sa belle-sœur. Analyste juridique, elle intègre d’emblée l’ASBL afin «de faire profiter de (ses) compétences pour aider les autres». Cindy Humbert, elle, est «la guide administrative», devenue presque experte en droit du travail par la force des choses.
À ce jour, l’ASBL est encore en construction et son site internet, en création. Toutefois, ses fondateurs comptent proposer une aide complète, bien plus que des conseils juridiques. Leurs deux missions principales sont de dénicher un psychologue, afin de soigner les traumatismes, et de trouver une salle pour organiser des cercles de parole.
«On veut permettre aux gens d’être écoutés et compris, souhaite Cindy Humbert, car en parler, c’est avancer.» Pour en avoir fréquenté, la fondatrice d’AVT loue l’importance des espaces de dialogue entre victimes : «C’est comme une deuxième famille.»
Conscientes de la masse de travail, les deux femmes sont «prêtes à accueillir d’autres bénévoles». Elles sont tout aussi disposées à échanger dès maintenant avec des victimes. «Rien que d’en parler, j’ai le cœur grand comme ça», s’émeut Cindy Limonier, qui n’attend que de commencer.
Courriel : avt.luxembourg@gmail.com