Deux hommes pensaient rallier le Grand-Duché en TGV pour y acheter des voitures de luxe. Leur voyage s’est terminé au tribunal. Car le chien Cash les a débusqués… Lors du contrôle des douanes, la somme dépassait le montant de 10 000 euros, mais n’avait fait l’objet d’aucune déclaration complète.
Les prouesses du chien Cash avaient fait le tour des médias à l’époque : le 28 févier 2017, le chien spécialiste en détection de billets avait découvert 286 000 euros sur deux passagers à bord d’un TGV entre Paris et Luxembourg.
Lors d’une classique opération de contrôle à la frontière, les douaniers luxembourgeois traversent le train quand tout à coup Cash «marque» un sac à bandoulière sur un siège. Personne n’occupe cette place 67. Le passager assis à proximité indique aux agents que ce n’est pas le sien. Mais un homme finit par sortir des toilettes. Et aux agents qui lui demandent s’il transporte plus de 10 000 euros en liquide, il reconnaît avoir 50 000 euros. Son explication : il compte acheter une Golf VII au Luxembourg. En fouillant le sac, les agents tomberont sur 658 billets, des petites coupures essentiellement, réparties dans deux enveloppes en plastique fortement imprégnées d’un parfum, selon l’agent. Était-ce pour rendre plus difficile le travail du chien renifleur?
Des paquets de biscuits fourrés d’argent
Mais cela n’aura pas perturbé le flair de Cash. Au contraire. Le héros à quatre pattes marquera une seconde fois à la sortie du TGV. Cette fois, c’est la valise et la poche droite du pantalon de l’homme qui avait nié la possession du sac à bandoulière. À la demande des douaniers, il niera une nouvelle fois. Ce n’est toutefois pas ce que révèlera la fouille de la valise. Là où à première vue n’étaient rangés que quelques vêtements, nécessaires de toilette, cadeaux et biscuits… les douaniers tomberont sur un paquet de liasses : le premier colis renfermait cinq enveloppes thermosoudées contenant 90 000 euros. Et zéro biscuit dans les boîtes de cookies, Nutella B-ready… Les emballages étaient fourrés d’argent. On en arrive à un total de 232 950 euros dans la valise. La suite de l’affaire montrera que leur possesseur connaît l’homme aux 658 billets…
«Pourquoi l’argent était-il caché dans les boîtes de chocolats? Qui et quand vous a-t-on donné cet argent?» Les questions ont fusé mercredi matin à l’audience. Les différentes versions sur l’origine et la destination de l’argent que Sid M. (37 ans) a exposées lors de son audition soulèvent des interrogations. Le président de la 18e chambre correctionnelle a tenté d’en savoir plus sur l’histoire selon laquelle ils se rendaient au Luxembourg pour acheter des voitures de luxe pour des commandes passées en Algérie. «Pourquoi ne pas avoir déclaré l’argent à la douane?»
Le chien suscite «une réaction épidermique»
«Ils n’ont pas demandé… Ils ont demandé ce qu’on avait dans la sacoche», répondra Sid M. qui habite aujourd’hui Le Havre. Il maintiendra que l’argent, c’était pour acheter des voitures. Il l’aurait reçu de trois individus dans un hôtel à Paris. «Pourquoi ramener 286 000 euros d’Algérie en coupures de 20 et 50 euros principalement… Pourquoi ne pas avoir fait un virement?», tentera encore le président.
Le second prévenu, Badr B. (32 ans), qui transportait les 236 000 euros dans la valise, sera très bref: «J’ai eu peur quand j’ai vu le chien et la douane.» Le président : «Quand on n’a rien à se reprocher, on n’a pas peur.» «Ils ont eu une réaction épidermique par rapport au chien», a renchéri leur avocate, en plaidant l’acquittement. Elle estime que le duo n’a pas eu la possibilité de remplir un formulaire écrit comme le prévoit la loi. «La défense argumente que le douanier aurait dû sortir de son chapeau un formulaire. Ce n’est pas ma lecture du texte», a rétorqué le substitut principal. Et de préciser que le parquet leur reproche de ne pas avoir fait sur demande des agents «une déclaration véridique et complète» : «Sid M. a indiqué transporter 50 000 euros, mais par après il s’avère qu’il fait transporter une somme supplémentaire de 236 510 euros.»
Une amende de 10000 euros requis contre le duo
Le second prévenu, Badr B., pour sa part, est poursuivi pour avoir déclaré qu’il ne transportait pas d’argent… alors que lors du contrôle 236 000 euros ont été retrouvés dans sa valise. Le parquet ne croit pas trop en cette opération d’achats de voiture pour des vétérans de guerre qui n’ont plus besoin de payer de taxe d’importation. «Des hommes nés en 1929 ont-ils besoin d’acheter une Porsche Cayenne au Luxembourg? Je doute qu’ils soient à l’origine de cette commande.»
Le parquetier demandera 10 000 euros d’amende contre les deux prévenus. Il s’opposera à la restitution
des fonds demandée par la défense. «La police a fait tous les efforts pour retracer l’origine de l’argent. Sans succès.» Et de conclure : «Nous avons un tas d’éléments qui mettent en doute l’origine licite de cet argent. Il doit être sorti du circuit.»
Prononcé le 9 janvier.
Fabienne Armborst