Les absents ont-ils toujours tort ou le défunt avait-il embobiné jusqu’à ses proches ? Ils soutiennent lui avoir fait une confiance aveugle et ne jamais s’être doutés de l’arnaque.
Un seul diamant a été retrouvé et il était en verre. Les autres, sur lesquels l’arnaque reposait, n’ont peut-être jamais existé. Les enquêteurs de la police judiciaire n’ont du moins jamais trouvé de traces permettant de conclure le contraire. À travers son entreprise Rawstone Business Holding (RBH), Emmanuel Abramczyk aurait siphonné les économies de 236 victimes en leur proposant des emprunts obligataires rémunérés par des intérêts allant jusqu’à 9,9 %. Celui qui se prétendait diamantaire et qui est décédé en début d’année aurait fait vivre ses proches grâce aux 25,8 millions d’euros ainsi récoltés, selon les deux enquêteurs. Seuls 4,4 millions d’euros ont été remboursés aux clients avant la faillite de l’entreprise.
«Il n’arrivait plus à payer les intérêts des obligataires. Il y avait trop de dépenses», a confirmé une ancienne employée administrative qui a travaillé pendant cinq ans à la RBH, à la barre de la 12e chambre criminelle du tribunal d’arrondissement de Luxembourg hier matin. «Normalement, les clients investissaient pour une durée de trois ans et devaient être rémunérés par les intérêts chaque trimestre.»
Mal à l’aise, «elle semblait bien être la seule personne qui travaillait vraiment dans l’entreprise», a noté le représentant du ministère public après son témoignage. L’épouse, la maîtresse et deux collaborateurs sont soupçonnés d’y avoir occupé des emplois fictifs. «L’épouse venait de temps en temps au bureau. Nous avons un peu travaillé ensemble pour l’emploi des femmes de ménage de leur domicile privé», indique-t-elle. La prévenue avait affirmé, mardi, que son mari l’écartait du bureau, «parce qu’il avait une maîtresse et qu’il ne voulait pas qu’(elle) le sache». La comptable de profession n’aurait rien su non plus de l’arnaque et dit avoir «cru que la société était florissante».
La maîtresse, elle non plus, «ne passait pas huit heures chez RBH», «n’avait pas de téléphone, pas d’ordinateur, pas de bureau» et «passait son temps dans le bureau de monsieur Abramczyk», selon l’ancienne employée. Le président est convaincu «qu’elle s’occupait essentiellement de monsieur Abramczyk (…) qui avait eu une autre idée en tête en l’engageant» que celle d’apporter des investisseurs, comme elle était supposée devoir le faire avec un des autres prévenus également suspecté d’avoir occupé un emploi fictif.
«J’y ai cru jusqu’au bout»
L’ancienne employée reconnaît ne rien avoir su de précis des affaires de son ancien patron. «Il s’occupait des factures.» Mais elle ne se souvient plus «s’il y a eu beaucoup de ventes». Son témoignage est imprécis. Elle confirme avoir vu des diamants «dans une petite pochette noire qu’il avait toujours sur lui» et le fameux diamant Koï. Mais elle ne se souvient plus «où il l’a eu et s’il l’a revendu». Juste «qu’il en était très fier». Jamais, elle ne se serait doutée avoir travaillé pour ce qui est apparu comme une arnaque.
Manuel non plus. «Jusqu’au bout, j’y ai cru, parce que j’avais confiance en Emmanuel», annonce le prévenu suspecté d’avoir occupé un emploi fictif. À tort, selon lui. Il a vu des diamants et a accompagné Abramczyk lors de ses rendez-vous «avec des diamantaires reconnus» comme Eddy Elzas, en Chine et à Anvers. Cependant, il n’avait «aucune idée de rien». Il prétend ne jamais avoir été intégré aux négociations et ne pas savoir non plus où se trouvent les diamants. «Je pense que le Koï a été mis en dépôt contre du cash à Anvers.»
Personne ne sait rien. L’ancienne maîtresse d’Abramczyk non plus, bien qu’elle travaillât pour lui. «On était dans les lobbies d’hôtel et on attendait que les rendez-vous se terminent», explique-t-elle. «J’ai vu le Koï, des diamants de couleur. Je n’ai jamais vu de transactions.» Pour elle, Abramczyk achetait des diamants bruts, les taillait et les revendait avec une plus-value. Or aucun contrat passé avec une entreprise de taille de pierres précieuses ou avec un tailleur n’a été retrouvé. «J’ai commencé à comprendre que l’argent venait des investisseurs en 2018, quand j’ai voulu démissionner.» La jeune femme, naïve, n’aurait jamais posé de questions et son amant ne lui aurait jamais parlé de ses affaires. «J’y croyais réellement. C’est malheureux.»
À les entendre, le défunt n’aurait pas mystifié que les investisseurs. Comme l’ami et la maîtresse, son ancienne épouse botte en touche à son tour. Elle n’aurait rien vu venir non plus. Pour les femmes de ménage et les frais du couple payés par la société, elle livre de longues explications et rejette souvent la faute sur son ancien mari.
La suite du procès ce matin, avec notamment les premières constitutions de partie civile après la fin du témoignage de l’épouse.