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Argentine : le droit à l’avortement devra attendre


Une militante en faveur de la légalisation de l'avortement en pleurs après que les sénateurs ont rejeté le projet de loi de sa légalisation à Buenos Aires, le 9 août 2018.

Les sénateurs argentins ont rejeté jeudi la légalisation de l’avortement dans le pays du pape François, mettant un terme aux espoirs des organisations féministes, alors que le projet de loi avait été approuvé par les députés en juin. Des incidents isolés ont éclaté après l’annonce des résultats du vote.

Sur la place du Congrès, après l’annonce des résultats du vote, les mines des militants pro-IVG étaient dépitées, les larmes coulaient sur les visages des partisans de la légalisation de l’avortement. Déçue, Camila Sforza, 21 ans, tentait de faire contre mauvaise fortune bon coeur: « Cela ne fait que commencer. Tout ce mouvement va continuer jusqu’à obtenir l’Interruption volontaire de grossesse (IVG). Cette question est dans tout les esprits, on va y arriver », a-t-elle déclaré.

Ces deux dernières années, les mouvements féministes avaient donné un élan considérable à la revendication du droit à l’avortement en Argentine, conduisant le président argentin de centre-droit Mauricio Macri à ouvrir le débat au parlement, pour la première fois de l’histoire du pays sud-américain. Il est pourtant opposé à l’IVG.

La lutte pro-IVG continue

Les pro-IVG étaient massivement rassemblés depuis mercredi matin aux abords du Congrès, brandissant les foulards verts, symbole des revendications d’avortement légal, libre et gratuit. « Souvenez-vous de ces noms », lançait une jeune femme en regardant sur un téléviseur s’afficher les noms des sénateurs qui ont rejeté le texte. Trente-huit sénateurs ont dit « non » au texte autorisant l’IVG pendant les 14 premières semaines de grossesse, 31 ont voté en faveur et deux se sont abstenus, selon les résultats officiels qui se sont affichés sur l’écran géant du Sénat. « Le projet de loi est rejeté », a aussitôt déclaré la présidente du Sénat Gabriela Michetti.

Le vote a été accueilli par des feux d’artifice et des cris de joie parmi les militants anti-IVG rassemblés à Buenos Aires devant le parlement, où se déroulaient les débats. Du côté des pro-IVG, une poignée de manifestants isolés ont incendié des palettes contre une des deux rangées de grilles séparant les deux camps, et lancé des pierres sur les policiers anti-émeutes. La police a riposté par des tirs de canon à eau et de grenades lacrymogènes.

Toute la journée de mercredi, les foulards verts, symboles de la lutte pour le droit à l’avortement, ont été agités sur la place du Congrès, avec l’espoir, même infime que la loi soit adoptée. Mais le 9 août ne restera pas dans l’histoire du pays sud-américain comme la date de la légalisation de l’avortement.

Un référendum?

« Avortement légal, à l’hôpital », entonnaient sans relâche des milliers d’adolescentes et de jeunes femmes, grimées de vert. D’après les estimations, 500 000 avortements sont pratiqués chaque année en Argentine, dans des cliniques privées ou dans des conditions d’hygiène très précaires selon la situation économique.

Le 14 juin, à la chambre des députés le texte avait été adopté de justesse par 129 voix pour, et 125 contre. Le Sénat est plus conservateur, car chacune des 24 provinces dispose de trois représentants quel que soit son poids démographique. La capitale et la province de Buenos Aires, plus favorables à l’IVG, y sont sous-représentées alors qu’elles abritent plus du tiers de la population du pays.

Le débat parlementaire a duré plus de 17 heures, de mercredi 09h30 jusqu’au vote jeudi peu avant 03h. Pendant ce temps, la place du Congrès était divisée en deux, à l’image de la société argentine sur la question l’avortement. Le « non » l’ayant emporté, il faudra probablement attendre 2020 avant que la question de l’avortement puisse de nouveau être examinée par le parlement. Le député de la coalition gouvernementale Cambiemos (Changeons) Daniel Lipovetzky, évoque la possibilité de convoquer un référendum. « Quand les députés pensent d’une manière et les sénateurs d’une autre. Cela mérite peut-être un système de démocratie directe. C’est possible qu’on le propose ».

Le Quotidien/AFP