Sur les grands projets, les bureaux d’architecture luxembourgeois, pourtant aussi compétents, doivent souvent jouer des coudes face aux grands bureaux étrangers.
Le Mudam, la Philharmonie, la Cour de justice européenne, les trois tours européennes ou encore le futur siège d’ArcelorMittal, autant de bâtiments remarquables façonnent (ou façonneront) le paysage urbain luxembourgeois. Ils véhiculent une certaine image du Grand-Duché, mais ont pour point commun d’être nés sous le crayon d’un architecte étranger. Une question se pose donc : pourquoi les cabinets d’architecture luxembourgeois ne participent pas, ou peu, aux grands projets de construction ?
Pour répondre à cette question, en forçant quelque peu le trait dans la mesure où l’on peut sans doute trouver dans le pays autant de bâtiments conçus par des architectes luxembourgeois qu’étrangers, direction l’Ordre des architectes et des ingénieurs-conseils (OAI), afin d’avoir un éclairage sur la question.
«Il est vrai que sur les grands concours, le cahier des charges est établi de sorte que les bureaux d’architectes luxembourgeois ne puissent pas y participer. Pour prendre l’exemple du futur siège d’ArcelorMittal, le cahier des charges stipulait que les bureaux participant aux concours devaient avoir une centaine d’architectes. Aujourd’hui, sur les 615 bureaux d’architectes que compte le pays, il doit y avoir deux ou trois bureaux avec plus de 60 architectes et 70% des bureaux sont des petites structures de cinq à dix personnes», souligne Jos Dell, président de l’OAI.
Maigre lot de consolation, généralement sur un grand projet avec un bureau d’architecture étranger, ce dernier fait appel à un bureau local afin d’être son relais sur place et bénéficier de son expertise locale avec les différents intervenants lors de la conception et de la construction. C’est ce que l’on appelle «l’architecte d’exécution».
Une wild card pour les jeunes
«Effectivement, cela permet de participer aux grands projets, mais sans pour autant apporter la reconnaissance du travail puisque le bureau en question ne fait que l’exécution, donc il ne peut pas vraiment s’appuyer sur ce projet comme une référence ou alors il faudrait que l’architecte de conception et l’architecte d’exécution soient sur un pied d’égalité», tempère Jos Dell, qui souhaite entamer une réflexion sur le sujet et souligne que «les concours devraient faire plus de place à des petites et des jeunes structures qui peuvent avoir d’autres idées et une autre vision du projet. Pourquoi ne pas mettre en place en système de wild card permettant de les inclure dans le projet aux côtés des grands bureaux d’architecture. C’est d’ailleurs ce qui s’est fait sur le projet du futur hôpital d’Esch-sur-Alzette».
Le président de l’OAI souligne également la nécessité «d’avoir les moyens d’exporter l’expertise luxembourgeoise», avant d’ajouter : «Nous sommes à l’aube de la troisième révolution industrielle, qui passe également par l’architecture et la construction, nous devons réussir à créer, consolider avec les différents acteurs du pays, notre expertise pour pouvoir par la suite l’exporter à l’étranger.»
Un autre vecteur pour mettre en lumière l’expertise luxembourgeoise ce sont les grands noms, comme l’architecte luxembourgeois François Valentiny ou encore les projets au rayonnement international comme le pavillon luxembourgeois de la prochaine exposition universelle à Dubai conçu par l’architecte luxembourgeois Shahram Agaajani (Metaform). Le «Nation branding» devrait également mettre davantage en lumière les architectes luxembourgeois, à l’image de ce que fait par exemple la France qui, lors des visites d’État et des missions économiques, a généralement quelques architectes dans les bagages de sa délégation.
Au passage, il faut tout de même noter que les architectes et ingénieurs luxembourgeois ont de belles références souvent trop peu connues du grand public, comme le King Saud University Sport Campus Arena à Riyad du bureau Schroeder & associés, ou encore du futur musée d’Histoire de la Pologne du bureau Architectes Paczowski et Fritsch. Pour les plus intéressés, les ouvrages luxembourgeois sont visibles sur le site laix.lu.
Jeremy Zabatta