Accueil | A la Une | Apnée du sommeil : «Se faire dépister le plus tôt possible»

Apnée du sommeil : «Se faire dépister le plus tôt possible»


Au service pneumologie du CHL, le Dr Nathalie Coppens observe une hausse significative du nombre de consultations pour l'apnée du sommeil.

De plus en plus diagnostiquée au Luxembourg comme ailleurs, l’apnée du sommeil est un trouble encore sous-estimé qui peut pourtant augmenter le risque cardiovasculaire.

Combien ronflent anormalement, se réveillent en sursaut ou sont fatigués dès le réveil? Combien ignorent qu’il s’agit de signes avant-coureurs de l’apnée du sommeil? Nathalie Coppens, médecin spécialiste en pneumologie au Centre hospitalier de Luxembourg, évoque «une épidémie mondiale» avec 1 milliard de cas estimés, dont 6 % des femmes et 10 à 12 % des hommes.

«Aujourd’hui, 30 % de nos demandes de rendez-vous sont liées au sommeil, ce n’était pas le cas avant», précise la pneumologue depuis 15 ans. Au CHL, son service suit 2 800 patients équipés d’une CPAP (ventilation en pression positive continue), l’un des dispositifs contre l’apnée du sommeil.

Ce trouble du sommeil n’est pourtant pas un mal nouveau. «C’est parce que l’on dépiste plus aujourd’hui, car avant les gens étaient moins sensibilisés sur le sommeil», analyse Dr Nathalie Coppens. Devenue un problème de santé publique, l’apnée reste pourtant encore sous-estimée, à commencer par les personnes concernées.

«Certains font de l’apnée depuis des années, mais ne consultent pas, car ils sont habitués. Un patient avait une montre connectée qui lui disait qu’il manquait d’oxygène la nuit, mais il a mis trois ans avant de consulter.» Dans leur sommeil, les personnes victimes de l’apnée obstructive ont, inconsciemment, un relâchement des muscles de la gorge, ce qui bloque la respiration, faisant ainsi chuter le taux d’oxygène en dessous de 90 %.

Ces apnées d’au moins 10 secondes jusqu’à plus d’une minute peuvent se reproduire entre 5 et 100 fois par heure. Le cerveau réagit et la personne se réveille très brièvement pour reprendre sa respiration.

Forcément, la qualité du sommeil est impactée, tout comme l’ensemble du corps en manque d’oxygène. Ces éléments augmentent le risque cardiovasculaire, mais également le risque d’accident de la route et sur le lieu de travail.

Des indicateurs sans vérité absolue

Malgré l’importance prise par le sommeil dans les problématiques de santé, rares sont ceux qui viennent d’eux-mêmes au service pneumologie du CH  : «Certains viennent adressés par leur femme parce qu’ils ronflent ou qu’ils font des pauses respiratoires, et sinon ce sont des ORL ou des cardiologues qui les conduisent ici.» Si les hommes sont les plus touchés, les femmes ne sont pas épargnées.

Lors de la consultation, le médecin évalue l’importance de la somnolence via le questionnaire d’Epworth et l’autoévaluation du risque de somnolence dans certaines situations. Un score d’Epworth supérieur à 12, en faveur d’une somnolence significative, est préoccupant, mais gare aux diagnostics hâtifs car «cela peut aussi s’expliquer par une dépression». L’hygiène de vie (alcool ou médicaments) et les facteurs favorisants (surpoids, petite mâchoire) sont également scrutés par les médecins.

Afin d’avoir la confirmation du diagnostic, les patients dorment deux nuits au Laboratoire du sommeil du CHL où est réalisé un examen complet du sommeil via des polysomnographies qui enregistrent la ventilation du patient dans son sommeil.

Face à l’afflux des demandes pour l’apnée du sommeil, le délai d’attente est de six mois à un an : «Mille polysomnographies sont réalisées chaque année, ce qui occupe nos quatre lits en continu. On ne saurait faire plus».

Chirurgie, pacemaker, orthèse ou masque

Lorsque le diagnostic tombe, des solutions sont proposées au cas par cas, bien qu’aucune ne puisse faire disparaître le trouble. Chez un patient en surpoids, la perte pondérale est recommandée et une chirurgie de l’obésité parfois proposée.

Des mesures positionnelles existent aussi, l’apnée se produisant en majeure partie sur le dos. Si le syndrome est sévère et que le patient est somnolent, le masque CPAP («Continuous Positive Airway Pressure») reste le meilleur traitement et le plus prescrit malgré un aspect parfois stigmatisan.

Lorsque le patient ne supporte pas la ventilation par CPAP, il existe des alternatives comme l’orthèse d’avancée mandibulaire qui se porte la nuit. Mais elle ne représente que 2 % des traitements de l’apnée du sommeil, notamment car «l’orthèse coûte 1 200 euros alors que la machine est remboursée».

Un nouveau traitement par implantation d’un pacemaker sous la peau afin de stimuler le nerf de la langue existe aussi, mais son prix (20 000 euros) et l’intervention chirurgicale peuvent décourager les patients. «Au Luxembourg, ce type de chirurgie n’est pas encore réalisé», vu le faible nombre de candidats.

Quelle que soit la méthode, le plus important pour le Dr Nathalie Coppens est de «se faire dépister le plus tôt possible». «Chez certains patients apnéiques depuis de nombreuses années sans traitement, la somnolence n’est dans certains cas pas améliorée par le traitement par ventilation, ce qui handicape fortement le patient dans sa vie de tous les jours.» 

Un nouveau traitement (Ozawade) par comprimés est cependant disponible sur le marché depuis quelques mois afin d’aider ces patients. Les risques cardiovasculaires, d’hypertension artérielle ou encore d’insuffisance cardiaque restent, eux, bien présents.

Choisir le bon masque

Utilisé par l’immense majorité des patients atteints d’apnée du sommeil, le masque CPAP possède son lot de spécificités. «Il n’y a pas de bon ou de mauvais masque, il faut juste trouver celui qui convient», rassure Éric Contet, infirmier en consultation de pneumologie.

«Pour le masque, cela va de tétines sous le nez au grand masque du nez à la bouche.» Pour ceux qui se plaignent d’avoir la bouche sèche au réveil, l’infirmier se charge de proposer une mentonnière afin de maintenir la bouche fermée ou d’ajouter un tuyau pour humidifier le masque, «comme une légère rosée».

L’air de la pièce récupéré par la machine pouvant être trop froid pour certains – «on peut perdre deux ou trois degrés avec la pression» –, Éric Contet peut installer un circuit chauffant et réglable.

«Certains disent aussi que leur conjoint se plaint de recevoir l’air rejeté par le masque dans son dos», raconte-t-il. Dans ce cas, une solution existe aussi avec des masques dont la fuite est localisée au-dessus de la tête.