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Année record pour la douane française grâce à l’affaire Rifaat al-Assad


L'oncle du dictateur syrien possède une énorme fortune, en partie gérée depuis le Luxembourg où il était aussi un actionnaire de référence de SES. (Photo : AP)

Sur 862 millions d’euros d’avoirs criminels saisis en 2017 par la douane française, 691 millions, soit 80% du total, proviennent de Rifaat al Assad, l’oncle du dictateur syrien qui possède de nombreuses sociétés au Luxembourg.

Année faste pour la douane française en termes de saisies d’avoirs criminels : en 2017 ils ont enregistré une hausse de 477% par rapport à l’année précédente pour s’établir à 862 millions d’euros. Ce chiffre record doit essentiellement à l’affaire Rifaat al-Assad qui pèse à elle seule 80% du total, soit 691 millions d’euros, selon le bilan présenté mardi par le ministre des Comptes publics, Gérald Darmanin.

Ces saisies visant l’oncle du dictateur syrien ont fait suite à un arrêt de la cour d’appel de Paris il y a un an. Poursuivi en France pour des faits de corruption instruits par le juge Renaud van Ruymbeke, Riffat al-Assad possédait un vaste parc immobilier dans l’Hexagone en Espagne et au Royaume-Uni dont une grande partie était géré depuis le Luxembourg où il a fondé neuf sociétés depuis 1996. « Il convient d’observer qu’une centralisation des sociétés s’est réalisée au Luxembourg », écrivent notamment les douaniers dans un procès verbal que Le Quotidien a pu consulter.

En 2015 le juge Renaud van Ruymbeke avait prolongé son enquête au Luxembourg en saisissant les autorités judiciaires d’une commission rogatoire internationale. Mais aucune saisie n’a été ordonnée par la justice du Grand-Duché et aucune enquête n’y a été ouverte.

Poursuivi pour crimes de guerre

Rifaat al-Assad, âgé aujourd’hui de 80 ans, est aussi poursuivi en Suisse pour crimes de guerre pour son implication présumée dans le massacre de Hama qui a fait 40 000 morts en 1982, lorsqu’il était à la tête des Brigades de défense de la révolution.

Ces saisies effectuées par l’administration française s’inscrivent dans une enquête sans précédent pour les douanes judiciaires. Plus de 500 villas et appartements ont été identifiés par les enquêteurs dont un luxueux hôtel particulier situé avenue Foch à Paris ou encore une vaste propriété de plus de 3000 hectares dans la région de Marbella, dans le sud de l’Espagne. Rifaat al-Assad possédait en outre le château de Bessancourt et son parc de 45 hectares en région parisienne et des appartements dans les plus beaux quartiers de la capitale française. L’enquête a également abouti au gel de 92 comptes en banque en Espagne, pays dont les autorités judiciaires avaient déclenché une spectaculaire opération à son encontre en avril 2017.

L’oncle de Bachar al-Assad avait quitté la Syrie en 1984 après une tentative de coup d’Etat contre son frère Hafez al-Assad. Se revendiquant opposant politique au régime de Damas, il avait été accueilli par la France où il a jusqu’à récemment vécu sous étroite protection des services secrets. Lors de son départ de Syrie, son frère l’avait autorisé à puiser de 200 à 300 millions de dollars dans les caisses de l’Etat pour s’assurer sa loyauté, selon Sherpa et Transparency International France, deux ONG à l’origine de la plainte qui a déclenché l’enquête. Rifaat al-Assad s’était aussi considérablement enrichi dans de nombreux trafics, notamment de voitures avec le Liban, ou encore d’œuvres archéologiques sont il s’était emparé lorsqu’il dirigeait encore la Syrie aux côtés de son frère.

Actionnaire de référence de SES

Pour sa défense, il avance que sa fortune provient de dons de l’Arabie saoudite pour financer son rôle d’opposant politique. Il a également déclaré ne pas s’occuper personnellement de ses affaires qu’il partage avec ses enfants et l’une de ses quatre épouses. Cette affirmation a été contredite par des écoutes et des documents aux mains de la justice française.

Au Grand-Duché, Rifaat al-Assad a également été un actionnaire de référence de la Société européenne de satellites (SES) par l’intermédiaire de Moon Lake, une entreprise qu’il avait créée dans le seul but d’acquérir des parts de la société luxembourgeoise. À l’issue d’un contentieux judiciaire avec Deutsche Bank portant sur un crédit, il avait été obligé en 2011 de de céder l’ensemble de ses participations dans SES à la banque allemande.

Escroquerie à la taxe carbone

Les sociétés luxembourgeoises de Rifaat al-Assad étaient dans un premier temps domiciliées par divers cabinets d’avocats avant de migrer vers un domiciliataire de sociétés de la route de Longwy, à Luxembourg.

Dans son bilan annuel, la douane française cité également le Luxembourg en rapport au scandale à la taxe carbone actuellement jugé à Paris. Cette escroquerie portant sur 385 millions d’euros a en effet amené les enquêteurs à mener des investigations au Luxembourg, mais aussi aux Bahamas et à Hong-Kong.

Fabien Grasser