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Alphabétisation : briser le tabou des adultes en difficulté 


Claude Meisch, ministre de l’Éducation nationale, a ouvert la conférence en remerciant les professeurs et les métiers du social pour leur dévotion. (Photo : claude lenert)

Le Service de la formation des adultes sensibilise sur l’alphabétisation de tous avec une nouvelle campagne. Problèmes de lecture, de calcul ou avec le numérique, tous les profils sont concernés.

L’analphabétisme, c’est aussi un problème luxembourgeois. Preuve en est avec la dernière campagne du Service de la formation des adultes (SFA) révélée lors d’une conférence jeudi à Esch-Belval. Des spots de sensibilisation s’enchaînent. On y voit un panneau difficilement déchiffrable «RUE E?ILE ?ELT?EN», puis une horloge dont des chiffres manquent et enfin un téléphone parsemé de points d’interrogation. Pour Yves Sibenaler, créateur de la campagne, le but est d’immerger le grand public dans la peau de ces personnes. Tout en montrant la diversité des profils avec des problèmes pour les lettres, les chiffres ou l’univers numérique. «Pendant le processus de création, nous avons consulté des personnes concernées qui nous ont décrit leur quotidien. Nous ne voulions pas une campagne qui pointe un problème mais qui accompagne les spectateurs pour mieux le comprendre.»

Dès le 8 septembre, journée internationale de l’Alphabétisation, les différentes pubs proposeront plus de renseignements auprès du 80 02 99 99 et un QR code renvoie vers leur site abcd.lu. Pour que des personnes analphabètes de tout type puissent s’informer au mieux, des spots radio et des vidéos seront aussi diffusés. Le tout en luxembourgeois, français et portugais.

«Notre objectif est de viser le grand public et les concernés qui ne savent pas comment aborder cela avec leur entourage», confirme Yves Sibenaler. Ce tabou autour de l’analphabétisme provoque des replis sur soi et fait «qu’il reste encore 26 000 personnes dans cette situation au Luxembourg», complète Claude Meisch, ministre de l’Éducation nationale, de l’Enfance et de la Jeunesse. 

Plus que de l’enseignement

Cette campagne est aussi un point de départ pour des personnes qui souhaiteraient s’inscrire aux cours gratuits offerts par le SFA et acquérir des compétences de base. Le cliché voudrait que ces cours se fassent avec des ouvrages de première section de maternelle. Cette vision peut être ressentie comme humiliante par un public adulte ayant des prérogatives spécifiques. Elisabeth Vanderheiden, directrice du Catholic Adult Education de Rhénanie-Palatinat, explique : «Certains viennent pour écrire une lettre d’amour à leur femme, d’autres pour lire les ingrédients des pots de leur bébé ou encore pour trouver du travail. Chaque apprenant est unique et se doit d’être écouté. On dépasse la simple relation de professeur-élève.»

Pour faire venir le plus d’individus dans le besoin, il faut revoir les approches et le vocabulaire employé. Généralement, les profils analphabètes ont eu un rapport conflictuel avec l’école par le passé. L’image d’Épinal qu’ils se font de l’école reste celle d’un lieu froid, de concurrence et de jugement. Une fois adultes, ils savent que ces contraintes sont derrière eux et qu’ils n’auront pas à les revivre. Ainsi, les instituts ne parlent pas d’évaluations ou de correction directement. Ils se penchent plutôt sur un accompagnement personnalisé et sur des vérifications d’exercices aux côtés des apprenants.

D’ailleurs, c’est plutôt par les anciens étudiants que du monde se rend à ces cours. Rita Stilmant, de «Lire et Écrire, province de Luxembourg», explique : «Dans notre formation, notre souhait est de permettre à tous de comprendre le but des enseignements. Par la suite, ils pourront l’expliquer par le bouche-à-oreille et mettre en confiance les nouveaux membres.»

Des effets concrets

La clé de la réussite dans un parcours d’alphabétisation semble être la persévérance. Il faut environ 2 000 heures à un enfant pour apprendre à lire et écrire. Ramené à des sujets adultes, la durée n’est pas si moindre. Heureusement, les résultats existent et concrétisent par des témoignages. Sur les 16 formés interviewés par Elisabeth Vanderheiden, sur l’année 2022/2023, tous font part de changements notables dans leur vie. Des profils en ressortent grandis, capables de mettre des mots là où leurs émotions voulaient les mener.

Plus qu’un apprentissage des compétences de base, certains résolvent des problèmes personnels ou professionnels avec plus d’aisance. «Ils se rendent surtout compte qu’ils ne sont plus seuls, que le tabou peut être brisé», soulignent tous les formateurs. 

De notre collaborateur Simon Iung

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