L’ancien latéral de la Jeunesse Esch, Almir Klica, a ouvert les micros depuis Athènes, où il évolue depuis fin janvier avec la réserve de l’Olympiakos.
Almir Klica a longtemps refusé toute interview : l’institution Olympiakos n’avait pas encore validé officiellement son arrivée et il voulait prendre le temps de s’installer à Athènes.
Mais un mois et demi après son départ de la Jeunesse, c’est un garçon de 23 ans très épanoui, lucide et extraordinairement ambitieux que nous avons eu en ligne.
Comment ça se passe pour vous ?
Almir Klica : Là je suis chez moi, en train de manger. Le club nous fait la bouffe. C’est un peu le même genre que chez moi, au Monténégro. Il y a du riz, du poulet, du saumon et pas beaucoup de ces sauces qui alourdissent tout. On peut manger au club, mais moi, en général, je préfère prendre à emporter et manger tranquillement à la maison, sur mon canapé, devant Netflix.
Même si sur place, on a un centre de vie avec tout ce qu’il faut. On est mélangés avec les A. Ce n’est pas comme en France par exemple, où les deux effectifs sont séparés.
Donc vous traînez avec Mathieu Valbuena et ses petits copains, qui viennent d’être éliminés de l’Europa League par l’Atalanta Bergame ?
Oui, d’ailleurs il est très sympa. Et il y a tellement de joueurs qui parlent français que c’est vraiment très simple de se sentir à l’aise. Même les dirigeants parlent français !
Ils vous ont offert un contrat de deux ans et demi. Quelle est l’idée ?
Ils font comme ça avec tous les jeunes, même si je suis l’un des plus vieux de l’effectif de l’équipe réserve. Ils font progresser des jeunes dans l’espoir de les intégrer en A. Moi, par exemple, ils m’ont pris pour jouer dans le couloir. Soit en tant que vrai arrière gauche dans le cadre d’un 4-4-2, soit en tant que joueur de couloir dans l’optique d’une défense à trois.
Le coach m’aime bien et il y a une tournante permanente dans cette réserve, dans laquelle il y a un très bon niveau. C’est normal, ils ne gardent que les bons. Ceux qui ne le sont pas assez, ils s’en séparent directement. Sinon, j’ai vu la A contre l’Atalanta, en Europa League. J’étais au stade. Et j’ai acquis la certitude que je pourrais jouer à ce niveau.
Je sais que j’ai ce que le monde du foot recherche en ce moment. J’ai le cardio pour faire des allers-retours. Chaque semaine, deux ou trois joueurs de la B passent chez les A. Je suis sûr que je peux entrer en concurrence avec l’actuel latéral gauche ! Si vraiment ça ne marche pas, l’Olympiakos, ça fera bien sur mon CV, pour la suite de ma carrière. Mais je suis persuadé que je peux réussir.
Quand je suis arrivé à Athènes, deux jours plus tard, Panos m’attendait et on est montés dans un taxi. Je lui dis « mais dis-moi où on va ! ». Il me répond « tu verras »
Comment vous en êtes arrivé là ? Fatalement via vos dirigeants ?
Eh bien oui et non. Manthos Poulinakis (NDLR : le président de la Jeunesse) est l’un des meilleurs amis du président de l’Olympiakos et il lui a parlé de moi. Personne ne me l’a dit, mais pendant toute la phase aller, un scout m’a suivi. Seulement en décembre, avant de partir en vacances, on m’a dit « prends tes chaussures, tu pourrais en avoir besoin« .
Je n’ai pas compris, on n’a rien voulu me dire de plus. Et puis le 25 décembre, j’étais dans un magasin au Monténégro et c’était Panos (NDLR : Katsaitis, le vice-président de la Jeunesse) au téléphone. J’avais complètement oublié cette affaire. Il me demande où je suis, où se trouve l’aéroport le plus proche et quand je peux partir. Qu’un club veut me voir et qu’il faut que je vienne à Athènes.
Quand je suis arrivé, deux jours plus tard, Panos m’attendait et on est montés dans un taxi. Je lui dis « mais dis-moi où on va!« . Il me répond « tu verras« . Et après dix minutes de voiture, je vois un terrain et le logo de l’Olympiakos et là il me lâche « maintenant tu sais« ! Et là, les tests médicaux ont commencé…
Il paraît qu’ils ont duré très, très, très longtemps !
Ça a duré une semaine et demie ! Je suis arrivé le 27 décembre et après, le temps que tous les résultats tombent, je n’ai signé que le 25 janvier! Un truc de fou. Ça commençait à devenir long et très lassant. Pendant ce temps, la Jeunesse avait déjà repris depuis longtemps et se préparait à reprendre le championnat et moi j’étais coincé sans savoir s’ils me garderaient.
J’ai dû mettre un peu la pression. Mais après tout, c’était logique : ils m’ont pris la tension, ont regardé mon cœur pendant l’effort, au repos… vérifié la puissance de tous mes muscles, mes mollets, mes quadris, mes ischios… Ils ont vérifié que tout était équilibré. C’est là que j’ai vu ce que c’était le monde pro!
Vous y avez été accueilli par deux anciens coéquipiers de la Jeunesse, Voilis et Xenitidis, qui étaient prêtés à la Vieille Dame la saison passée.
(Il rit) Bon, moi, là, je suis collé aux francophones de l’effectif! Mais, oui, ces deux-là m’ont bien accueilli, tout expliqué, mis dans le rythme. En même temps, j’étais aussi là pour eux quand ils sont arrivés à Esch. Ces deux-là n’ont pas pris la grosse tête.
C’est de bons gars et je vais vous dire : Voilis, footballistiquement, cela n’a plus rien à voir avec ce qu’il a montré en DN. Ici, qu’est-ce qu’il est fort! Bon, Xenitidis, lui, il n’a pas changé : un sacré milieu de terrain ! À l’époque, ils étaient venus chez nous parce que la réserve de l’Olympiakos n’avait pas un tel niveau.
Le premier match, Jeff Strasser me met arrière gauche et moi… je fais la gueule sans savoir pourquoi
Vous non plus n’aviez pas un tel niveau. C’est le fait de reculer sur le terrain qui vous a offert cette opportunité ?
Ça a commencé avec Giorgios Petrakis (NDLR : le coach de la saison passée). À la base, en fait, c’est le préparateur physique de la Jeunesse, Rui Lomar, qui a eu cette idée avant tout le monde. On le prenait tous pour un fou -et on lui disait !-, mais il n’arrêtait pas de me répéter que j’étais l’un des meilleurs récupérateurs de l’équipe et que je devrais reculer d’un cran.
Et puis un jour le coach m’a dit «Dennis (Besch) ne peut pas jouer, est-ce que tu penses que ru peux le faire?». C’était avant Rodange. Moi, je lui ai dit «pourquoi pas, mais je ne veux pas faire de la m… Voyons ce que ça donnera à l’entraînement». Et en vrai…j’ai kiffé! Personne ne pouvait arriver derrière moi, j’avais le jeu devant moi… Arrière gauche, c’est tellement tranquille à jouer !
C’est là que les gens ont commencé à me dire que je pourrais aller loin à ce poste. Et c’est quand tout le monde a commencé à me le répéter que je me suis dit à moi-même «fais pas le c…, restes-y». En arrivant, Jeff Strasser m’a demandé ce que je préférais, m’a expliqué qu’il m’aimait bien là et qu’il aimait un latéral qui se projette.
Mais le premier match, il me met là et moi… je fais la gueule. Je ne sais même pas pourquoi. Du coup, il a remis Dennis et moi, je me suis retrouvé sur le banc. On a fini par en parler, le coach et moi, je lui ai dit que j’avais réfléchi et que c’était bon, j’étais prêt à le faire. Et ça a marché. Je ne pense pas que je serais à l’Olympiakos aujourd’hui sans ce choix. On ne sait jamais où est son bonheur!
Jouer arrière gauche en D2 grecque, est-ce la même chose qu’en DN ?
Je fais deux à trois kilomètres de plus ! Vous savez, je suis souvent libre les dimanches alors je me mets devant mon ordinateur et j’attends. Puis je regarde. Tous leurs matches. Quand on est dans notre bulle, comme ça, on ne se rend pas compte à quel point on n’était pas bon offensivement. Il n’y avait aucune action finie.
Avec l’Olympiakos, les ballons ne sont pas perdus, ou on ne commet pas de faute. Pas avant d’avoir frappé. On conserve et on frappe. On ne rend pas le ballon. Du coup, dans les statistiques, on finit souvent avec vingt ou trente tirs au but par match. J’étais enfermé dans un cercle (sic) avant, je ne voyais pas clair, je ne voyais pas ça.
Mais en même temps, le foot, au Luxembourg, est trop physique. Voilis et Xenitidis me le disent. Et désormais, moi, je pense tactique et conservation avant de penser aux duels.
Bref, vous vous éclatez à Athènes ?
Dès que j’ai un peu de temps libre, je vais visiter. C’est joli, un peu vieux, il fait beau. C’est bien de tout connaître pour quand la famille ou les amis viennent vous visiter. Quand je pense que mon père n’arrêtait pas de me dire, même quand j’étais au centre de formation de Schalke 04, avant d’arriver au Luxembourg, que le foot, ça ne sert à rien, que je risquais juste de m’y blesser et que je ferais mieux de bien travailler à l’école…
Mais quand ils ont commencé à entendre les gens parler de moi, ils ont commencé à entendre les gens parler de moi, mes parents s’y sont intéressés. Et maintenant, ils vont tous les week-ends à la Frontière voir les matches. J’ai au moins laissé ça au club.