En Allemagne, l’idée de ramener la semaine de travail à quatre jours refait surface comme remède pour maintenir l’emploi pendant et après la crise sans précédent causée par le coronavirus.
Mais le sujet est très controversé du côté des entreprises. C’est le président du puissant syndicat de la métallurgie IG Metall, Jörg Hofmann, qui vient de déclencher un débat national en proposant d’instaurer une telle mesure pour sauvegarder l’emploi, au moment où la courbe du chômage s’envole dans le pays, comme ailleurs dans le monde.
Le ministre social-démocrate du Travail, Hubertus Heil, a lui-même jugé mercredi dans le groupe de presse régional Funke qu' »un temps de travail réduit avec compensation salariale partielle peut être une mesure appropriée ». L’idée de base : en travaillant moins, les salariés se partageraient davantage un nombre d’emplois qui tend à fondre. Une telle mesure serait une « réponse aux changements structurels dans des secteurs tels que l’industrie automobile », confrontée au défi de la voiture électrique, de même qu’à « l’accélération du numérique du fait de la pandémie », argumente ainsi le patron d’IG Metall dans le quotidien Süddeutsche Zeitung. Lui aussi plaide « une certaine compensation » côté salaires de la part des employeurs, pour ne pas causer de perte importante de pouvoir d’achat.
IG Metall n’en est pas à son premier combat sur le temps de travail. En 1995, il est parvenu à imposer les 35 heures hebdomadaires dans l’industrie et, en 2018, il a obtenu le droit pour les salariés le désirant de ne travailler que 28 heures par semaine pendant deux ans, avec une perte de salaire limitée. Sa dernière proposition est soutenue par 60% des Allemands, selon une enquête Yougov publiée mercredi.
« Trouver des solutions intelligentes »
Le parti d’extrême-gauche Die Linke va lui plus loin en défendant une « réduction générale de la durée du travail à 30 heures » sans perte de salaire. Un chiffon rouge pour les employeurs. Cela ne fera qu' »empirer le choc énorme de productivité » subi en ce moment, selon Steffen Kampeter, directeur de la fédération patronale BDA. « Plus la crise du coronavirus dure, plus nous devons trouver des solutions intelligentes qui ne se bornent pas à distribuer des compensations salariales et des subventions », estime un responsable du parti conservateur d’Angela Merkel proche des PME, Carsten Linnemann, au magazine Wirtschaftswoche.
Plusieurs grandes entreprises allemandes comme Bosch, ZF Friedrichshafen et Daimler viennent de conclure des accords de réduction du temps de travail, tandis que des discussions sont en cours chez Continental ou Airbus. Mais dans ce cas les employés doivent faire des sacrifices financiers importants. Modèle: la semaine de quatre jours mise en place par Volkswagen au début des années 1990 pour sauver 30 000 emplois menacés, alors que le groupe était en crise. Les salariés avaient dû renoncer à 10% de salaire.
Dans l’automobile, fortement frappée par la crise, la semaine des quatre jours compensée ne serait « ni opportune ni économiquement viable compte tenu de la situation » du secteur, renchérit Wilfried Porth, directeur des ressources humaines de Daimler. Le gouvernement d’Angela Merkel veut au bout du compte laisser les partenaires sociaux trancher la question, comme le veut la tradition sociale en Allemagne.
Si le chômage ne reflue pas rapidement, le débat sur la baisse du temps de travail pourrait devenir un sujet majeur de la campagne électorale en vue des prochaines législatives de fin 2021.
LQ/AFP
Les voisins en parlent aussi
Le débat n’est pas circonscrit qu’à l’Allemagne. En France, outre l’élargissement du dispositif de chômage partiel, la possibilité existe de signer des accords de « performance collective » pour aménager le temps de travail et dans le but de sauver l’emploi, mais au prix de sacrifices salariaux, ce qui fait débat.
Et en Autriche, le parti social-démocrate a proposé, selon la chaîne publique ORF, un programme de réduction du temps de travail de 20% avec baisse en parallèle de 5% du salaire net.