« Un loup attaque un homme » : vraie ou fausse, cette histoire rapportée en Une du quotidien Bild, le plus lu d’Allemagne, a attisé le débat sur la présence accrue de ce prédateur dans le pays, constatée dans les campagnes allemandes et génératrice de peurs diffuses.
Un matin de novembre, un jardinier de 55 ans travaille dans un cimetière agenouillé près d’une barrière quand l’animal, s’approchant par derrière, lui mord le bras gauche. Malgré le choc, l’employé municipal parvient à le frapper avec un marteau et le faire fuir. C’est du moins ainsi que la victime, restée anonyme, a raconté sa mésaventure aux autorités de Steinfeld, en Basse-Saxe. Témoins de la scène ? Trois autres loups, affirme le jardinier. Les examens en laboratoire sur la blessure, les vêtements ou le marteau n’ont toutefois révélé aucune trace de salive ou de fourrure d’un loup. La piste semble désormais s’acheminer vers des chiens sauvages.
Mais le débat, très politique, est lancé dans le pays. « Ce que cette histoire a surtout réussi à faire, c’est propager l’incertitude et la peur », déplore le guide Stephan Kaasche, grand connaisseur et défenseur du canis lupus.
Après 150 ans d’absence, le loup gris commun, éternel méchant dans les contes des frères Grimm, a fait en 2000 un grand retour dans les campagnes allemandes – salué par les amoureux de la nature – après avoir franchi la frontière depuis la Pologne. Le ministère de l’Environnement en dénombre actuellement 800 dans le pays, soit 73 meutes en 2018 (qui comptent au moins 9 spécimens chacune), 13 meutes de plus qu’un an auparavant. Et le nombre de couples a lui aussi augmenté.
Aucune agression d’humain n’a été recensée. Mais si par le passé le loup s’en est déjà pris aux moutons, c’est la fréquence des incidents récents et leur ampleur qui commencent à inquiéter voire révolter éleveurs et cavaliers. Et à passionner dans les rangs de l’extrême droite, qui s’est saisie de ce sujet polémique à l’approche de trois scrutins régionaux. En octobre, un troupeau est attaqué pendant la nuit. Son propriétaire découvre le lendemain une quarantaine de carcasses ensanglantées. La plupart des proies ont été égorgées sans avoir été dévorées.
Fusils et gardes de nuit
Sur internet et les réseaux sociaux, campagnes et pétitions se multiplient contre l’animal. Sa « férocité est très sous-estimée » par les écologistes, affirme le portail « Loup, non merci ». Un pied de nez au plus célèbre slogan des Verts allemands « Énergie atomique ? Non merci ». Fusils en main, des éleveurs organisent des gardes de nuit pour défendre leurs bêtes, à leurs risques et périls car celui qui abat illégalement un loup – un animal protégé à la fois par la Convention de Berne et par une directive de l’Union européenne – encourt jusqu’à cinq ans de prison.
L’extrême droite, toujours à l’affût de thèmes porteurs négligés par les partis établis, a reconnu le potentiel de l’indésirable, qui fourmille dans les régions de l’ex-RDA, bastions politiques du parti Alternative pour l’Allemagne (AfD). « Et que fait-on si la prochaine fois ils s’attaquent à des enfants ? », s’interroge dans l’hebdomadaire Die Zeit la porte-parole du parti en Saxe-Anhalt, Silke Grimm, homonyme des célèbres frères conteurs. La CDU conservatrice, le parti d’Angela Merkel qui affrontera l’AfD dans trois élections régionales en septembre et octobre à l’Est, a du coup donné son aval pour assouplir dans certains cas leur abattage.
Mais cela ne règlera pas le problème, soupire Stephan Kaasche, selon qui « 10% des loups sont déjà abattus illégalement actuellement ». « Cela ne les empêche pas de s’approcher des villes, tout comme les sangliers. Cela ne fonctionne pas comme ça. » Au total environ 280 loups ont été tués en Allemagne depuis 2000, selon des statistiques policières citées par les médias, généralement dans des accidents de voitures.
LQ/AFP