Les contrôles aux frontières allemandes polluent l’esprit de Schengen et gênent les frontaliers. Mais le Luxembourg n’entamera pas de procédure contentieuse.
Faut-il passer à la vitesse supérieure contre l’Allemagne à cause des fermetures de frontières le long du Luxembourg ? C’est en substance la question que pose le député déi gréng Meris Sehovic au ministre des Affaires étrangères, Léon Gloden. Depuis le 16 septembre dernier, les autorités allemandes ont décidé de donner un tour de vis concernant les contrôles aux frontières. L’objectif : lutter notamment contre l’immigration clandestine alors que le pays est secoué par la montée de l’extrême droite et l’AfD. Les partis politiques au pouvoir ont donc décidé aussi d’agir devant ce qui semblait être une demande forte d’une partie de l’électorat du pays. Pour ce faire, les forces de l’ordre surveillent désormais les frontières et cela gêne tout particulièrement le transit des frontaliers qui se rendent au travail au Grand-Duché.
Dans sa question parlementaire, Meris Sehovic rappelle que le 14 février dernier, le gouvernement luxembourgeois a officiellement saisi la Commission européenne pour contester la prolongation des contrôles aux frontières décidée par l’Allemagne. «Cette démarche faisait suite à de nombreuses alertes exprimées par le Grand-Duché sur les effets néfastes de ces contrôles pour les travailleurs frontaliers, la coopération transfrontalière et l’esprit de Schengen», rappelle l’élu.
Meris Sehovic souligne qu’en mars, le Bayerische Verwaltungsgerichtshof (tribunal administratif bavarois) a invalidé les grandes lignes de l’argumentation utilisée par l’Allemagne pour justifier les contrôles initiés déjà en 2022 à la frontière germano-autrichienne. «Il s’agit de la même argumentation utilisée pour justifier les contrôles à la frontière avec le Luxembourg», souligne le député, qui se demande si cette jurisprudence peut appuyer l’argumentation luxembourgeoise auprès de la Commission européenne et faire «plier» Berlin concernant ces contrôles.
Des frontières dans les esprits
Le ministre Léon Gloden a répondu que ce ne sera pas le cas. Il a néanmoins tenu à préciser d’emblée que la position du gouvernement luxembourgeois concernant la décision de l’Allemagne de renforcer les contrôles aux frontières et de déployer des forces supplémentaires de la «Bundespolizei» aux frontières reste inchangée. Pour lui, le code Frontières-Schengen doit être respecté et le gouvernement «désapprouve des contrôles aux frontières intérieures qui ne sont pas nécessaires et disproportionnés et il attend un avis de la Commission européenne à ce sujet». Pour le ministre Léon Gloden, il est indispensable d’appuyer un renforcement des contrôles aux frontières extérieures au lieu de disperser les efforts aux frontières intérieures.
Et, dans cet esprit, «il faut éviter de perturber le trafic transfrontalier, dans l’intérêt de la vie quotidienne des habitants de la Grande Région». L’initiative allemande a également une autre fâcheuse conséquence pour Léon Gloden : «Il ne faut pas que des frontières se recréent dans l’esprit des gens, dans l’intérêt de l’espace Schengen et de l’intégration européenne.» «L’objectif est que Schengen puisse continuer à vivre», selon lui, tout en rappelant que son ministère a mis en place une adresse électronique spécifique à laquelle les citoyens et les frontaliers peuvent envoyer leurs commentaires sur les contrôles aux frontières (grenzkontrollen@gouvernement.lu). «Les commentaires des citoyens et des frontaliers sont destinés à contribuer à une coopération positive entre les autorités compétentes», précise-t-il.
Concernant l’arrêt du Bayerischer Verwaltungsgerichtshof (BayVGH), le gouvernement en prend acte mais, «comme il l’a été rappelé à maintes reprises», le Luxembourg n’entamera pas de procédure contentieuse. Le Grand-Duché veut ainsi poursuivre un «échange constructif» avec le gouvernement allemand. «Par ailleurs, je continue à réaffirmer, au sein des Conseils européens « Justice et Affaires Intérieures« et au-delà la volonté du Luxembourg de moderniser la coopération policière avec ses pays voisins et de conclure des accords bilatéraux régissant le transfert réciproque des personnes qui franchissent illégalement les frontières, afin de pouvoir normaliser la situation aux frontières intérieures de l’espace Schengen», insiste le ministre.