Pour le quatrième jour de son procès, Alex a reçu un soutien débarqué tout droit de Suède. Un enquêteur a résumé ses activités et ses contacts sur les réseaux sociaux. Une manne d’indices.
Alex note, griffonne, retient absolument tout ce qu’un traducteur lui rapporte. Rarement prévenu aura été aussi studieux et concentré pendant un procès. Il trimbale deux blocs de papier dont il compare les notes, et d’épais classeurs. Le jeune homme semble préparer son interrogatoire par la 12e chambre criminelle du tribunal d’arrondissement de Luxembourg, qui doit se tenir cet après-midi, au cinquième jour de son procès.
Et il y a matière à noter. Trois enquêteurs de la section antiterrorisme de la police judiciaire étalent depuis trois audiences les éléments accumulés contre lui. Ils sont nombreux et ne laissent guère de doute sur l’implication du jeune homme dans le groupe terroriste The Base, sur ses intentions et sur sa vision du monde et de ses habitants, qu’il ne loge pas tous à la même enseigne. Mieux vaut ne pas être une femme, une personne de couleur, homosexuelle, d’origine étrangère ou d’une autre confession que lui pour lui plaire.
Inspiré par Unabomber
Celui qui se considère comme un bon Aryen a peu d’amis. Un en particulier, Zeke, avec lequel il a incendié une ferme de visons en Suède, avait fait le déplacement depuis son pays d’origine pour assister à l’audience mardi après-midi. Deux enquêteurs ont continué de présenter les résultats de leur enquête, qui vont de la planification très avancée d’attentats – au Concours Eurovision de la chanson, entre autres –, à la conception d’explosifs et de différents gaz en passant par la propagande pour ses idéaux et l’organisation d’entraînements paramilitaires, entre autres.
Le prévenu, qui apparaît comme le cerveau de ces planifications, aurait l’esprit fertile. «Ses pensées devaient être uniquement dirigées vers les moyens à mettre en œuvre au nom de son idéologie», commente une enquêtrice avant de noter qu’Alex travaillait sur un colis piégé artisanal en s’inspirant de Ted Kaczynski, alias Unabomber. Il était destiné à la société de production audiovisuelle suédoise qui a réalisé une publicité pour la compagnie aérienne SAS. Pas assez nationaliste à son goût, elle montre que la Scandinavie s’est construite sur des influences extérieures et sur l’infinité de cultures qui y ont trouvé refuge. Tout l’inverse de son idéal politique.
«Je peux être arrêté»
Pour les enquêteurs, ils l’ont répété hier, cela ne fait aucun doute que le prévenu «était profondément radicalisé», qu’il «incarnait» l’idéologie accélérationniste et que, s’il n’avait pas été arrêté à temps, «il était prêt à blesser ou à tuer des gens». «Il ne faut pas se laisser tromper par son air de gamin.»
Les activités d’Alex au travers de ses trois comptes sur le réseau social iFunny ont mené à sa dénonciation au SRE. Il y échangeait avec des personnes partageant ses idéaux, notamment des membres éminents de The Base. Il y partageait notamment des conseils et des tutoriels sur la production d’explosifs ainsi que ses exploits et faisait de la propagande pour les groupements terroristes auxquels il appartenait. Une manne d’informations pour les policiers. Le prévenu y reconnaît également être membre du groupe néonazi. «Il était conscient que ses activités étaient illégales et semblait s’en moquer», précise un policier.
«Si on me retrace, je peux être arrêté», confie-t-il à l’un de ses abonnés. À l’époque, le jeune homme n’a pas 18 ans. Il le sera devant chez lui à Strassen par l’unité spéciale de la police le 22 février 2020. «Lors de son audition, il ne nous dira que sa vérité», raconte l’enquêteur. En définitive, très peu. Dans un premier temps, il ne se mouille pas et ruse avant de passer tout doucement aux aveux, réalisant que les policiers ne sont pas dupes. «Il savait que des enquêtes étaient en cours aux États-Unis contre des membres de The Base.» Le FBI parvient à infiltrer l’organisation.
En Europe aussi, l’organisation vacille sur ses bases. De plus en plus de membres sont identifiés et inculpés. The Green Brigade se fera plus discrète pour essayer de passer sous les radars de la police. Les deux organisations utilisaient les réseaux sociaux et le jeu vidéo Minecraft pour communiquer avec leurs membres ou en recruter de nouveaux. Les enquêteurs ont épluché toutes les conversations et lu tous les messages jusqu’à la nausée.
Depuis sa base arrière grand-ducale, Alex aurait donc ourdi des actions violentes qui n’arrivent qu’ailleurs ou dans les films pour imposer ses idéaux par la force. Alex a écrit sur un des réseaux : «Once you start killing people, they will listen.»