Trop discret, Traams? Sûrement, car ce trio anglais, sans le sens de la réserve qui le caractérise, aurait déjà dû rejoindre depuis longtemps le gratin du rock anglo-saxon dit «alternatif», avec même une tête d’avance. Oui, rien que ça! Pour s’en convaincre, il suffit de jeter les deux oreilles sur une discographie irréprochable, débutée avec Grin (2013) et poursuivie par Modern Dancing (2015).
Deux albums impeccables pour une réunion de tubes entêtants, donnant envie soit de danser, soit de tout casser. Ici, en effet, se marient un rock élégant aux mélodies ciselées et la puissance du post-punk. Un début pour un sans-faute comme on n’en fait quasiment plus aujourd’hui. Et puis après, plus rien…
7 ans de silence
Oui, cela fait sept ans que Traams fait silence radio. Une longue pause souvent visible (et nécessaire) quand tout démarre trop vite et que la tête a du mal à suivre. «Je suis presque sûr que je n’ai pas pris une guitare pendant deux ans», avoue le chanteur et guitariste Stuart Hopkins sur Bandcamp. «J’attendais que l’envie revienne!» Elle ressurgira à travers deux singles jusqu’alors laissés dans les cartons (l’épopée de dix minutes The Greyhound et le remuant Intercontinental Radio Waves), sortis en 2020. Et c’est là, alors que la flamme se réanime à peine, que la pandémie arrive sans prévenir avec son lot de confinements. Paradoxalement, alors que tout se fige, Traams garde intact ce besoin de revenir en piste, même s’il faut faire avec les nouvelles mesures drastiques.
Car il y a bien un hic : contraint à travailler et à enregistrer uniquement la nuit, dans un studio entouré d’appartements, le trio a dû modérer ses humeurs habituelles, c’est-à-dire jouer «odieusement fort», comme le précise le frontman, avec son lot de cris, de guitares aiguisées comme des lames et de feedbacks en pagaille. «Nous avons dû réapprendre à jouer ensemble, poursuit-il. Après nos réserves initiales, c’était incroyablement inspirant et libérateur.»
Personal Best est un album qui prend son temps, dans une atmosphère quasi-krautrock
Prises de conscience et victoires personnelles
Une révolution à volume étouffé qui s’observe dans les huit titres de Personal Best, qui comme son nom l’indique, parle d’acceptation de soi. «Il ne s’agit pas de déclarations d’amour ou d’effusions de larmes. Non, plutôt de prises de conscience, de victoires personnelles», dit Stuart Hopkins.
Musicalement, ce redémarrage à zéro – certes un peu par la force des éléments – est encore plus saisissant. Bien sûr, il y a des réflexes profondément enracinés, et certaines chansons conservent cet aspect primaire, avec ce rock qui montre les crocs. Mais quand on sait que seules Dry et Comedown s’appuient sur une batterie enregistrée en direct, on se dit en effet que les choses ont bien changé.
L’emprunt aux boîtes à rythmes et aux synthétiseurs, et l’usage de tonalités vocales plus douces, confirment l’impression d’ensemble : c’est moins puissant, moins explosif qu’avant, nettement plus sombre et hypnotique aussi. En un mot : expressif.
« Quelque chose dont on avait tous vraiment besoin »
C’est pourquoi Personal Best est un album qui prend son temps, coulant sur plus de 40 minutes, tout en tension et en maîtrise. Dans une atmosphère quasi-krautrock, qui n’envie rien à la tension glaciale de la new wave, on trouve, autre nouveauté, des invités dont Joe Casey (Protomartyr) et surtout un appétit retrouvé. C’est Stuart Hopkins qui le dit : «Après tant d’années d’inactivité, le covid nous a fait prendre conscience que ce groupe était quelque chose dont on avait tous vraiment besoin.» Pas sûr qu’il faille encore attendre sept autres longues années pour apprécier à nouveau Traams.
Traams, Personal Best. Sorti le 22 juillet. Label Fat Cat Records. Genre rock