Cette semaine, Last Year Was Weird (Vol. 2) de Tkay Maidza, sorti le 7 août sur le Label 4AD.
Aujourd’hui, à l’instar du rock et de ses multiples ramifications jamais remises en doute, le hip-hop se plaît à flâner sur une généreuse palette musicale. Il emprunte ici et là ce qui fera le son de demain, propice à cartonner auprès d’une génération où les genres perdent progressivement de leur sens.
L’année 2019 en est une belle illustration, avec son lot de femmes de tempérament qui ne se plient plus à la catégorisation pénible d’une industrie, libres et affranchies, sans l’obsession de la notoriété facile. Citons Noname et son élégance «jazzy», Little Simz et ses instrumentations sans pareilles, la déjantée Lizzo, flûte traversière à la ceinture et rondeurs assumées, la militante Rapsody ou encore la poétesse anglaise Kate Tempest, aux mots sabrant son pays en déliquescence.
Mieux, certaines d’entre elles nourrissent leur travail d’un riche multiculturalisme, développé sur le terreau fertile de l’exil. Ainsi, en Australie, Iggy Azalea a dû céder son monopole au profit de jeunes talents que rien ne semble vouloir arrêter : d’abord Sampa The Great, née en Zambie puis ayant grandi au Botswana, et désormais Tkay Maidza (à prononcer «tee-kay my-dzuh»), originaire pour sa part du Zimbabwe.
Cette dernière, malgré tout, s’est vite retrouvée avec l’étiquette «nouvelle M.I.A.» collée sur le dos. La raison? Un premier disque accrocheur, TKAY (2016), qui optait pour les méthodes de celle derrière le tube Paper Planes : des mélodies entêtantes, des productions en forme de collages tous azimuts, et cette manière de chanter, en équilibre entre pop et hip-hop, sans que l’un ne l’emporte sur l’autre.
La comparaison, finalement, se diluera dans le temps, la jeune artiste, désormais 23 ans, ayant décidé de ne rien changer, poursuivant ses zigzags sur des chemins de traverse en défendant une honnêteté chevillée au corps, tout en affinant parallèlement une idée qui lui sied si bien : celle de n’en faire qu’à sa tête.
D’ailleurs, en tendant l’oreille, ce Last Year Was Weird (Vol. 2), succédant à un premier volet datant de 2018, convoque des métaphores sur l’épanouissement, l’émergence façon chrysalide, l’expérience, la croissance et la confiance retrouvée. Une conviction qui se retrouve jusque dans le choix de son label, Tkay Maidza préférant 4AD, indépendant et londonien, à la grosse écurie Universal et ses subdivisions. Que dire, alors, de ce projet d’enchaîner trois EP à la suite – le dernier est prévu pour 2022 – si ce n’est d’en saluer l’audace.
Cet entre-deux, en tout cas, est assurément l’une des plus belles collections de sons de l’année. Pour la mise en ambiance, elle sait clairement y faire, alternant néo-soul (My Flowers), hip-house (24k) et gros rap qui tache, à travers un trio grandiose (Shook, Awake et Grasshopper). Moment choisi… pour sortir la guitare, apaiser le ton et terminer le disque en douceur, tout en restant pertinent.
À l’heure où une artiste electro-flamenco remporte des Grammys (Rosalía), Tkay Maidza contribue, à son échelle, à cet intéressant décloisonnement, élargissant au passage les possibilités du prochain artiste qui entrera dans le jeu. Elle-même a un troisième EP à offrir. Du plus bel augure dans un tel contexte.
Grégory Cimatti