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Agression dans une prison : de la fascination pour le nazisme à l’islam


Originaire de Saint-Avold, Michaël Chiolo purge une peine de 30 ans de réclusion criminelle pour la séquestration suivie de la mort de Roger Tarall, un ancien déporté de 89 ans, à son domicile de Montigny-lès-Metz en 2012. (photo AFP)

Selon le procureur de Paris Remy Heitz, le Mosellan Michaël Chiolo, auteur de l’agression de deux surveillants dans la prison de Condé-sur-Sarthe, a affirmé avoir voulu venger Cherif Chekatt, l’auteur de l’attentat de Strasbourg le 12 décembre 2018.

Le caractère «terroriste» ne fait «aucun doute», selon la ministre de la Justice. L’agression des deux surveillants – désormais hors de danger – alors que le détenu se trouvait dans une unité de vie familiale avec son épouse, a tout de l’acte prémédité. Suivi pour radicalisation, l’homme a utilisé un couteau en céramique et crié, selon une source syndicale, «Allah Akbar». Le parquet antiterroriste a été saisi et va désormais mener l’enquête. Se pose maintenant la question de la radicalisation en prison, et du parcours très particulier de ce Mosellan de 28 ans.

Du nazisme à l’islam

Originaire de Saint-Avold, Michaël Chiolo purge une peine de 30 ans de réclusion criminelle pour la séquestration suivie de la mort de Roger Tarall. L’ancien déporté de 89 ans avait été ligoté par trois hommes (Jordan Setzefand, Michaël Chiolo et Franck Stanislawski) qui en voulaient à son argent, un soir d’avril 2012, à son domicile de Montigny-lès-Metz. Bâillonné, il était mort étouffé.

Des trois meurtriers, Michaël Chiolo était apparu durant l’affaire, puis au cours des deux procès devant la cour d’assises de la Moselle et en appel à Nancy, comme la personnalité la plus troublante. La plus dangereuse aussi. Un homme fasciné dans son enfance par le nazisme qui s’est converti à l’islam en 2010.

Me Cédric Demagny l’a défendu devant la cour d’assises de la Moselle en 2014. «Je me rappelle surtout de lui pendant son procès à Metz. Il égrenait continuellement un chapelet religieux pendant les audiences. Mais ce débat sur la religion et sa radicalité, nous ne l’avons pas eu à l’époque.» Pourtant, le jeune homme, issu de la classe moyenne, est très vite tombé sous la coupe de prêcheurs radicaux à Metz, juste après le crime odieux. Il a séjourné dans une dizaine de centres pénitentiaires. À Nancy-Maxéville, où il est passé plusieurs fois, il pratiquait parfois un prosélytisme appuyé, y compris dans le quartier d’isolement.

«Il était jeune et très seul à la maison d’arrêt. Les milieux radicalisés lui ont tendu la main. Ensuite, il ne faisait pas mystère de son intérêt pour l’islam.» Contre l’avis de son avocat, Michaël Chiolo décide de faire appel de sa condamnation à vingt-huit ans à Metz. «Je lui avais conseillé de reprendre des études. Il en était capable […] Là, il va y avoir de nombreux incidents de détention à Épinal, mais je ne peux pas en dire plus. Son extrémisme s’accentue, ça, je peux vous le dire», explique Me Demagny. Michaël Chiolo serait devenu de plus en plus actif, de plus en plus prosélyte.

De plus en plus radical

Il aurait ainsi forcé, par exemple, d’autres détenus à boire jusqu’à 8 litres d’eau pour se purifier le corps. Sa radicalité est de plus en évidente au fil des années. La présence de sa compagne lors de son procès en appel avait été perçue comme un signe supplémentaire. Elle portait un jilbab noir. «Cela avait donné une curieuse ambiance à l’audience», se souvient Marlène Schott, avocate d’un des coaccusés.

Fils de Roger Tarall, mort étouffé à Montigny-lès-Metz en 2012 après avoir été ligoté et violenté par le trio, Alain Tarall est resté «marqué» par Michaël Chiolo. «À Metz déjà, lors du premier procès, il ne cessait de tenir son chapelet musulman. Je me souviens de ses sourires lorsqu’il me regardait. Des sourires de satisfaction, c’était glaçant.»

À Nancy, «il avait été plus virulent. Sa dangerosité était évidente. À l’énoncé du verdict, il avait menacé tout le monde, les juges et les jurés. Personne n’y avait prêté attention à l’époque. Ça résonne particulièrement aujourd’hui.» L’avocat de la famille Tarall, Me Thomas Hellenbrand, se montre sévère avec le milieu carcéral : « Les faits commis à Montigny-lès-Metz montrent que cet homme n’avait ni foi ni loi. Il a suffi d’un passage en prison où la radicalisation est omniprésente pour qu’il trouve cette foi. Malheureusement, ce n’est pas la bonne…»

Alain Morvan et Kevin Grethen/RL