Attaqué par un jeune armé d’un couteau vendredi soir dans le quartier Gare, ce chef cuisinier s’en sort indemne grâce à la réactivité des policiers. Arrêté, l’assaillant a été relâché, malgré de nombreux témoins.
Cela devait être une soirée de fête. Darren* et sa petite amie, tous deux employés d’un restaurant de la rue Joseph Junck à Luxembourg, célébraient leurs fiançailles à la terrasse de l’établissement avec des amis vendredi, quand les choses ont mal tourné.
«Il y avait un groupe de jeunes en face, une quinzaine environ. Ils ont commencé à nous insulter. Le ton est vite monté et ils nous ont balancé leurs bouteilles de bière. Ma copine est rentrée pour se mettre à l’abri, et moi, je les ai poursuivis alors qu’ils couraient vers la gare», raconte-t-il. «J’espérais en ramener au moins un au commissariat.»
«Une patrouille a entendu mes cris»
Mais soudain, tout bascule. L’un des jeunes brandit un couteau et tente de porter un coup à Darren au niveau de sa gorge. Évité de justesse. Alors qu’il manque de tomber au sol, l’assaillant essaye à nouveau de le blesser. Terrifié, le chef cuisinier appelle à l’aide.
«Une patrouille de police qui passait là a entendu mes cris. Ils ont fait fuir mon agresseur et l’ont pris en chasse. Les agents ont été très réactifs, j’ai eu beaucoup de chance», souligne Darren.
Alors que ce colosse d’1,90m, membre d’un club de bikers, ne s’était jamais senti en danger jusque-là, «cette fois, j’ai vraiment eu peur de mourir», soupire-t-il, encore marqué.
Cet habitant de Hollerich qui a grandi au Luxembourg connaissait la mauvaise réputation du quartier au moment de suivre son meilleur ami dans l’ouverture de son restaurant en janvier dernier. «On nous a dit que la rue Joseph Junck était la pire rue du Luxembourg», se souvient le trentenaire. Des mises en garde qui n’avaient pas découragé l’équipe, au contraire.
«On se disait que si davantage de beaux établissements ouvraient leurs portes à la Gare, ça ferait venir des gens d’autres quartiers de la ville et ça relancerait la vie locale.»
Une vingtaine de dealers devant la porte
Mais patron et employés ont vite déchanté. «Les trois premiers mois ont été très durs. On avait une vingtaine de dealers devant notre porte chaque jour. Le commerce était fermé depuis un an et demi, ils avaient leurs habitudes, leurs cachettes.»
«On trouvait de la drogue dans les volets», décrit-il, reconnaissant qu’il n’aurait pas pu imaginer une situation si grave. «On a dû embaucher des agents de sécurité pour escorter les clients jusqu’à leur voiture.»
«On a constaté la présence accrue de la police»
Pour faire bouger les choses, ils écrivent aux autorités communales, au ministre des Affaires intérieures, à la direction de la Police grand-ducale. Et en parallèle, la colère des riverains porte ses fruits.
Le nombre de patrouilles de police est multiplié. «On a constaté la présence accrue de la police et ça s’est amélioré au printemps», confirme Darren, avant de s’interrompre. Une bagarre vient d’éclater devant le restaurant, nous souffle-t-il, avant de reprendre son récit.
Sa fiancée réfléchit à changer de job
Depuis vendredi soir, il avoue se sentir vulnérable : «Je ne vais pas mentir, ce week-end, à la Fête nationale, j’avais peur dans la foule, et c’est la première fois de ma vie. Je me retourne deux fois au lieu d’une quand je marche dans la rue désormais».
Sa fiancée, elle, est toujours en état de choc, et réfléchit à changer d’emploi pour ne plus avoir à mettre les pieds dans le quartier. D’autant que l’auteur a menacé de revenir.
Pas de placement en détention pour l’agresseur
Contactée, la police a confirmé les faits, précisant que le couteau n’a pas été retrouvé. Un procès-verbal a été dressé et l’affaire suit son cours.
De son côté, Darren a porté plainte, mais il n’a pas compris que son agresseur, menotté et emmené au commissariat en même temps que lui, ressorte libre. «Il y a des dizaines de témoins de mon agression, y compris des streetworkers du service À vos côtés, d’accord pour témoigner.»
«Même au sein des policiers, la décision du Parquet de ne pas placer l’homme en détention a suscité l’incompréhension», rapporte la victime, qui a repris le travail hier, «pour éviter de trop cogiter».
Il estime que cet incident grave, qui aurait pu lui coûter la vie, illustre bien ce qui ronge le quartier de la Gare. «La police est là, elle fait son travail. Mais la justice ne suit pas. On le voit, les dealers se fichent des patrouilles. Ils savent qu’ils ne risquent rien avec de petites quantités sur eux.»
La police locale lancée lundi prochain
En attendant des mesures au niveau de la justice, la nouvelle Unité de police locale promise par le DP et le CSV lors des campagnes électorales successives de 2023 sera lancée dès lundi prochain, à Esch-sur-Alzette et dans la capitale.
*prénom d’emprunt