Pour la caisse du soir, François a tué une de ses collègues du restaurant Vapiano au Kirchberg. Il avait besoin d’argent pour contracter un mariage blanc et aurait agi guidé par la panique.
Assassino», glisse entre ses dents la mère de la victime en passant à quelques mètres des auteurs présumés du meurtre de sa fille le soir du 16 avril 2022 au restaurant Vapiano à Luxembourg. Leur procès qui doit durer trois jours a débuté hier après-midi face à la 12e chambre criminelle du tribunal d’arrondissement de Luxembourg. Un meurtre «pour pas beaucoup», a reconnu le principal suspect. Au total, 645 euros de recettes du jour, 3 000 euros de fond de caisse et 17 chèques-repas.
L’auteur principal, un Sénégalais de 30 ans, était un ancien collègue de Sonia. Edu, un plongeur du restaurant, lui avait ouvert la porte du restaurant déjà fermé au prétexte que François devait récupérer son uniforme de travail ou des restes de nourriture, selon les versions des différents protagonistes. Il était accompagné d’Abdou «parce que je n’avais pas le courage d’agir seul».
Les trois prévenus sont accusés de vol avec violences accompagné de nombreuses circonstances aggravantes parmi lesquelles le meurtre pour faciliter leur fuite. François et Abdou reconnaissent les faits. Edu conteste au motif qu’il a été trompé sur les intentions de son ancien collègue.
Une fois à l’intérieur, les deux jeunes hommes se sont cachés dans le local à poubelles pendant plusieurs minutes jusqu’au départ d’Edu. «On pensait qu’il n’y avait plus personne», explique François. En entrant dans le bureau où se trouvait le coffre, ils sont tombés nez à nez avec la gérante. «J’ai perdu le contrôle de moi-même», assure François qui prétend ne plus avoir aucun souvenir de ce qui s’est passé ensuite.
Ensuite, il a étranglé la victime pendant plusieurs minutes tandis qu’Abdou lui a fracturé le crâne en la frappant à dix reprises avec une pince réglable. «C’était une petite femme. Elle n’avait aucune chance face à vous deux. Pourquoi ne pas l’avoir enfermée dans une pièce?», lui demande le président. Abdou évoque un moment de panique.
Des papiers pour travailler
À l’aide du code ou en le débranchant, François a ouvert le coffre-fort. Les deux hommes sont allés partager leur butin avant d’aller dans une discothèque, laissant derrière eux le corps sans vie de leur victime sous le bureau. Un selfie les montre s’amusant au Lenox Club. Abdou a terminé la soirée à l’hôtel avec une jeune femme.
François prétend que c’était pour oublier. Il aurait pensé que le coffre-fort contenait 50 000 euros. L’argent devait servir à contracter un mariage en blanc pour obtenir des papiers. Il avait déjà été escroqué à deux reprises par des femmes. Abdou voulait payer son loyer et envoyer une partie de l’argent à sa maman au Sénégal.
Auditionné par la police le lendemain des faits, Edu tait le passage de François au restaurant. «Je ne pouvais pas m’imaginer qu’il avait pu commettre un crime», note le prévenu. «J’avais peur que la police découvre que François avait de faux papiers.» Car François Bocard n’est pas François Bocard. Le prévenu aurait revêtu l’identité d’un Ivoirien dont il a trouvé le passeport dans la rue à Orléans. «Pour pouvoir travailler», indique celui qui se prénomme en réalité Lamine.
La strangulation a causé la mort de Sonia, selon le médecin légiste. François ne l’a pas lâchée jusqu’à ce que son complice ait vidé le coffre-fort. Le système de vidéosurveillance a filmé le crime. La chambre criminelle et le parquet ont décidé de visionner les images à huis clos et ont fait évacuer la salle d’audience où étaient réunies les familles d’Abdou et de la victime.
Lamine qui soufre d’amnésie défensive, selon un expert neuropsychiatre, a lavé la tête et le visage de Sonia et l’a conservé sur ses genoux pendant de longues minutes. Elle était la seule personne à savoir qu’il n’était pas François Bocard. «Tous les soirs, il déposait une fleur sur les lieux du restaurant» jusqu’à son arrestation douze jours après les faits, précise encore l’expert.
L’officier de police judiciaire chargé de l’enquête en révèlera certains détails demain après-midi.