Le cambriolage du restaurant Vapiano a mal tourné. Les deux auteurs risquent la prison à perpétuité pour meurtre. Le parquet a requis une peine de 30 ans de réclusion à leur encontre.
Sonia est morte étranglée par les mains de son ancien collègue François, alias Lamine, le 16 avril 2022. Le Sénégalais de 30 ans et un complice s’étaient introduits dans le restaurant Vapiano à Luxembourg-Kirchberg après la fermeture pour commettre un cambriolage. L’employé s’est trouvé nez-à-nez avec sa gérante alors qu’il se pensait seul dans le bâtiment. Il prétend avoir commis le crime dans un état de panique et souffrir d’amnésie concernant son acte.
Un troisième homme, cuisinier du restaurant, a aidé les deux auteurs à s’introduire dans les lieux. Il «jure» ne pas avoir été mis au parfum des intentions des deux autres. «C’était la première fois en plus de deux ans que j’ouvrais la porte à un employé après la fin du service», reconnaît Edu. Entendu par la police au lendemain de la découverte du corps, il n’a cependant pas évoqué cet élément important pour l’enquête. Il aurait changé d’avis après avoir découvert les images de vidéosurveillance.
Les faits, particulièrement atroces, ont été filmés par les caméras. Les images ont été visionnées à huis clos mardi après-midi par la 12e chambre criminelle du tribunal d’arrondissement de Luxembourg. Confondus, les deux auteurs principaux présumés ont été appréhendés douze jours après les faits. François a expliqué avoir eu besoin d’argent pour contracter un mariage blanc dans le but de régulariser sa situation pour pouvoir travailler. Leur butin récupéré, les deux prévenus ont quitté les lieux en laissant leur victime derrière eux.
François ne parvient pas à expliquer ce qui lui est passé par la tête. Hier après-midi, devant une salle d’audience comble, il a adressé des «millions de pardons» à la famille de Sonia et à Edu pour l’avoir entraîné malgré lui. «Une chose me hantait dans ma vie, c’est la mort de ma mère. Désormais, il y a une deuxième chose : la mort de Sonia, de quelqu’un qui a toujours été bon pour moi», indique le jeune homme qui ajoute ne jamais avoir «eu de chance dans la vie».
Abdou, le complice présumé, se «pose également la question tous les jours» pour comprendre pourquoi il a asséné plusieurs coups de pince réglable à la tête et au visage de la victime présumée. Il avoue à la barre avoir «des doutes si elle était encore en vie» quand ils ont quitté les lieux. Cela ne l’aurait pourtant pas empêché d’aller faire la fête au Lennox Club.
«Le meurtre était un moyen»
Des excuses que n’acceptent pas les parties civiles. «Nous ne sommes pas face à un accident de voiture, mais face à un acte d’une barbarie et d’une sauvagerie inexplicables, voire disproportionné par rapport à l’enjeu», annonce Me Penning. «Aucun des deux n’a essayé d’empêcher l’autre. On serre le cou pendant quatre longues minutes (…). Ils avaient le temps de réfléchir à ce qu’ils étaient en train de faire. Au lieu de cela, ils ont détruit tous les moyens de communication au cas où elle aurait survécu.»
L’avocat, dans son émouvante plaidoirie, traite les prévenus de «lâches» parce qu’ils ont couvert le visage de Sonia d’un chiffon rouge et, pire, parce «qu’ils ne se souviennent plus et qu’ils disent avoir perdu le contrôle». Quant à Edu, sans lui, «Sonia serait encore en vie». Sur le banc des prévenus, Edu se cache le visage couvert de larmes avec sa main.
Les parties civiles évoquent «une douleur insoutenable», une famille brisée par l’absence et la souffrance ainsi qu’«une mère détruite, morte avec sa fille». Elles réclament 18 000 euros pour le compagnon de Sonia, 136 000 euros pour son père, 91 000 euros pour sa mère et 55 425 euros pour chacun de ses deux frères. «Ils ont tué la victime comme un animal dédié à l’abattage», estime l’avocate de la famille, qui réclame l’application des peines les plus sévères à l’encontre des trois prévenus.
Le procureur s’est montré un tantinet plus clément en réclamant l’acquittement pour Edu au bénéfice du doute et une peine de trente ans de réclusion criminelle à l’encontre des deux autres prévenus au lieu de la réclusion à vie qui leur pendait au nez. Dans toute cette horreur, le magistrat est parvenu à dégager deux circonstances atténuantes à prendre en considération : leur repentir, qu’il veut croire sincère, ainsi que leur jeune âge.
«Le meurtre était le moyen d’atteindre leur but», a-t-il assuré. «Ils étaient unis dans un intérêt commun.» Nous reviendrons dans notre édition de vendredi sur le réquisitoire et les plaidoiries des trois avocats de la défense.