La démission du directeur du Mudam après l’affaire «RTL/Schram» n’a pas suffi pour calmer les esprits. Depuis mardi, il s’agit aussi d’une affaire politique. Le Premier ministre est attendu au tournant.
Les députés de la commission de la Culture, qui ont accueilli mardi matin le secrétaire d’État à la Culture, Guy Arendt, étaient tous d’accord pour dénoncer le gâchis qu’a provoqué l’affaire concernant le futur ex-directeur du Mudam, Enrico Lunghi.
Désormais, un autre champ de bataille s’ouvre. Les cibles sont le Premier ministre, accusé d’avoir tiré trop vite et à tort dans cette affaire, et aussi RTL, accusé d’avoir procédé à un «assassinat médiatique» du directeur du Mudam.
Comme dans chaque guerre, il ne reste en fin de compte que des perdants. Le feuilleton avec comme acteurs principaux le directeur du Musée d’art moderne Grand-Duc-Jean (Mudam), Enrico Lunghi, la chaîne de télévision nationale RTL, et le Premier ministre, Xavier Bettel, ne diffère pas à cette règle, comme l’ont souligné mardi aussi bien des députés de la majorité que de l’opposition.
Si Franz Fayot (LSAP) a carrément parlé d’«assassinat médiatique» du futur ex-directeur du Mudam, l’ancienne ministre de la Culture Octavie Modert, est restée plus modérée, sans toutefois oublier de fustiger le ministre d’État, mais aussi le rôle joué par RTL dans cette affaire. «Il semble que des conclusions ont été prises hâtivement. Le ministre aurait dû consulter à la fois M. Lunghi et le conseil d’administration avant de tirer sa conclusion. Il s’agit d’un grand couac, qui va bien au-delà du mauvais geste de M. Lunghi. Lui tendre ce micro équivalait à une condamnation prématurée, ce qui n’est pas tolérable», a martelé l’élue de la circonscription Est.
Avant d’aller plus loin, revenons sur les faits. Depuis lundi, chacun peut consulter sur le site internet de RTL l’intégralité des plans que la journaliste Sophie Schram a réalisés avec son caméraman le 13 septembre dernier, jour du dérapage d’Enrico Lunghi. C’est après une poignée de minutes d’interview, que le directeur du Mudam, interrogé à plusieurs reprises sur son soi-disant refus d’exposer l’artiste Doris Drescher dans ses murs, vient arracher le micro de la journaliste.
Cette dernière ne bronche cependant pas et parvient même à convaincre Enrico Lunghi de poursuivre l’interview pendant plus de dix minutes. C’est à ce moment qu’il précise que le Mudam a bien exposé par le passé les œuvres de Doris Drescher, élément jamais diffusé par RTL dans le montage final. Le directeur s’excuse aussi pour son geste.
Il reste donc d’autant plus étonnant, qu’après une première diffusion normale de l’interview le 20 septembre, RTL soit revenue à la charge le 3 octobre avec une journaliste disposant tout à coup d’un certificat de maladie et ayant déposé une plainte contre Enrico Lunghi.
Les excuses publiques du directeur du Mudam et sa confirmation par son conseil d’administration au poste de directeur n’auront cependant pas été suffisantes : le 4 novembre dernier, Enrico Lunghi a annoncé sa démission. Il compte quitter la direction du Mudam au 31 décembre de cette année.
L’affaire aurait pu s’arrêter là, mais depuis mardi, elle joue les prolongations sur le plan politique. Des premiers indices de véritable affaire d’État sont même à déceler. En cause : la très rapide réaction du Premier ministre et ministre de la Culture, Xavier Bettel, qui dès le lendemain de la diffusion des accusations de RTL à l’encontre d’Enrico Lunghi a publiquement blâmé le fonctionnaire, bénéficiant d’un congé sans traitement. Une procédure disciplinaire a été engagée contre lui.
Lapin déposé à la Nuit des musées
«L’instruction est menée à charge et à décharge. Le commissaire à la discipline va établir sur base de cette instruction son avis. Ce n’est qu’à ce moment qu’une décision sur l’avenir de M. Lungi sera prise», s’est contenté d’indiquer le secrétaire d’État à la Culture, qui avait mardi matin la lourde tâche de défendre son «général» en mission en Asie.
L’absence de Xavier Bettel, son attitude, mais aussi son long silence dans cette affaire, commencent néanmoins à sérieusement agacer la Chambre des députés. «Le ministre de la Culture a tout faux dans ce dossier. C’est sur base d’un document falsifié (lire ci-dessous) que le ministre a décidé d’engager une procédure disciplinaire, le tout face aux caméras sans avoir consulté auparavant les gens concernés. Tout cela est inacceptable, et relève pour moi aussi bien de l’incompétence et du désintérêt du ministre», a taclé mardi Marc Baum (déi Lénk).
Jusqu’à ce jour, ni Xavier Bettel, ni Guy Arendt n’ont consulté Enrico Lunghi. Un rendez-vous informel, fixé le 8 octobre à la Nuit des musées, n’aurait pas été honoré par le futur ex-directeur du Mudam. «Il ne s’agissait certainement pas du lieu le mieux adapté pour mener cet entretien», commente sèchement Octavie Modert.
La réaction de Guy Arendt, interpellé mardi matin sur ce point, n’a pas eu le don d’être très convaincante. «Les médias qui ont insisté dans un premier temps pour que cette affaire disciplinaire soit engagée semblent avoir changé d’avis. Mais quoi qu’il en soit, il ne s’agit pas d’une décision prise à la va- vite par le Premier ministre, elle était bien réfléchie», souligne le secrétaire d’État à la Culture. Sa mission de soldat du feu est achevée. Désormais son chef est attendu de pied ferme à la Chambre des députés.
David Marques
RTL se retrouve à son tour sur le banc des accusés
La publication lundi par RTL de l’intégralité des plans qui ont servi de base pour la diffusion du reportage sur Enrico Lunghi ont également été analysés et commentés mardi par les députés.
«Ce qui s’est passé ici est une falsification du déroulement des choses, l’interview a été montée pour lui donner un caractère tendancieux et je pense que cela doit avoir des conséquences», a ainsi souligné Marc Baum (déi Lénk). RTL est en effet subventionnée par l’État. Au vu de ces accusations, l’opposition demande que Xavier Bettel, qui est également ministre des Médias, vienne s’expliquer dans la commission parlementaire de tutelle.
Il ne faut pas oublier que le directeur ou l’ex directeur du MUDAM s’appelle LUNGHI et pas Wagner ou Müller ou Bettel ou Schneider
La sévérité du ministre de la culture dans l’affaire Lunghi contraste avec l’indulgence du ministre d’Etat dans l’affaire Bettel-Kemmer.