La responsabilité de ce qui est devenu l’affaire Lunghi incombe aux deux journalistes de l’émission Den Nol op de Kapp, selon le parquet, qui les accuse de mise en scène et de manipulation.
Le représentant du parquet a requis l’acquittement de l’ancien CEO de RTL et de son directeur des programmes des chefs de calomnies et injures sur la personne d’Enrico Lunghi et la condamnation des deux journalistes à l’origine du reportage qui a déclenché l’affaire Lunghi en 2016. Il s’est rapporté à prudence du tribunal en ce qui concerne les coups et blessures involontaires dont l’ancien directeur du Mudam les accuse. Le magistrat a déploré un reportage orienté et une mise en scène de blessures. «Marc Thoma savait qu’il ne reflétait pas les faits», précise-t-il. «Sophie Schram a manipulé tout le monde.»
«Le reportage n’était pas génial, mais ce qu’elle a fait n’était pas pénal non plus», s’est emporté Me Gaston Vogel, l’avocat de la jeune femme, qu’il souhaite voir acquittée. «Elle n’a rien à se reprocher. Elle n’était pas présente le jour de la diffusion. Des choses qui la dépassaient se sont produites.» Et l’avocat d’insister que le port du «bandage monstrueux» était justifié par la blessure infligée par Enrico Lunghi qui «lui a tordu le bras».
Des excuses occultées
Certes, le comportement d’Enrico Lunghi, qui est sorti de ses gonds en pleine interview, ne serait pas excusable, mais dès sa première réponse, on comprendrait pourquoi il ne voulait pas exposer les œuvres de Doris Drescher. «Il n’y avait pas besoin de s’acharner», poursuit le procureur. «Les téléspectateurs auraient pu se faire une opinion objective en voyant les excuses qu’Enrico Lunghi a faites à Sophie Schram dans la foulée si ces excuses n’avaient pas été occultées.»
La journaliste indépendante interrogeait le directeur du Mudam dans le cadre d’un reportage de l’émission Den Nol op de Kapp concernant les artistes luxembourgeois qui se plaignaient de ne pas être exposés au Mudam. À la huitième ou neuvième question, Enrico Lunghi s’est emporté, lui a saisi les mains et son micro avant de s’éloigner pour revenir apaisé quelques minutes plus tard et présenter des excuses à la journaliste, à laquelle on reproche d’avoir à tout prix voulu faire dire à l’ancien directeur ce qu’il n’avait pas envie de dire. Le reste ne serait que montage et mise en scène. La blessure au bras serait apparue une dizaine de jours après l’interview, notamment pour apporter du crédit au reportage, selon le magistrat.
Culpabilité «évidente» pour Sophie Schram
Une première mouture du reportage n’avait pas été diffusée et il avait été décidé d’attendre une éventuelle plainte de Sophie Schram à l’encontre d’Enrico Lunghi avant de diffuser un reportage faisant état des faits. La plainte n’a jamais été déposée, mais le reportage, monté par Marc Thoma, a été diffusé le 3 octobre 2016 sans que personne ne sache qui en a donné l’ordre. «Steve Schmit a pensé que la décision venait d’Alain Berwick», note le magistrat. Ce dernier aurait «par sa décision péremptoire encouragé Marc Thoma à produire le reportage tel qu’il a été diffusé», mais «il n’a pas vu le reportage avant sa décision et n’a pas donné de directives quant à son contenu», «il a créé une ambiance».
Sur ce point, le parquet et l’avocat de la partie civile divergent. Pour Me Jean Lutgen, «il est évident qu’Alain Berwick a eu le dernier mot. Il a donné son feu vert et cautionné la diffusion du reportage». Quant à Steve Schmit, «des quatre prévenus, il est celui qui a peut-être le moins de responsabilités» dans cette affaire. Contrairement à Marc Thoma, qui a soutenu la thèse de la blessure, «procédé au montage du reportage», participé à la manipulation des images et «à la dramatisation», assisté d’une Sophie Schram dont «la culpabilité est évidente». «Ils ont construit une histoire qui ne tient pas la route avec l’intention de nuire à mon client» et de le discréditer, estime Me Lutgen.
«Manipulation volontaire»
«Enrico Lunghi a été mis au pilori», «présenté comme un agresseur, un criminel ou un barbare» par une «manipulation volontaire» des deux journalistes indépendants. Trente secondes ont notamment été coupées entre les phrases prononcées par l’ancien directeur du Mudam «Seriö, dat do ass dach keng Fro» et «Ett ass eng Sauerei». Le conseil de presse et l’autorité luxembourgeoise indépendante de l’audiovisuel (ALIA) ont dénoncé «une interview qui ne correspond pas aux pratiques déontologiques» et «une manipulation de l’image et du son pour créer une réalité inexistante».
L’avocat a réclamé 20 000 euros pour préjudice moral, une indemnité d’atteinte à l’intégrité physique, une indemnité pour pertes financières de 21 000 euros ainsi qu’une indemnité de procédure de 5 000 euros. Me Vogel, premier avocat de la défense à prendre la parole hier matin, a demandé au tribunal de déclarer cette constitution de partie civile irrecevable ou, le cas échéant, de prononcer un partage des responsabilités. Mes André Lutgen, Daniel Baulisch et Thierry Reisch, les avocats des trois autres prévenus, prendront la parole ce matin et réagiront au réquisitoire.
Un reportage a la RTL.
La manipulation et la falsification sont monnaie courante chez ce media…merci a Monsieur Lunghi d attirer l attention sur ces choses.