L’association Innocence en danger lance un appel à témoins pour dénoncer les abus sexuels dont l’ancien directeur se serait rendu coupable. Une psychologue insiste à son tour.
Les révélations concernant l’ancien directeur du Kannerduerf à Mersch, qui appartient au réseau SOS Villages d’enfants, accusé d’agression sexuelle par une ancienne pensionnaire, sont profondément choquantes.
Malheureusement, les faits étaient connus depuis 2002, date à laquelle une adolescente placée au Kannerduerf depuis l’âge de 3 ans a signalé des abus à son entourage et à sa famille d’accueil, selon les informations révélées par Reporter.lu.
Ce n’est que 22 ans plus tard que la victime, âgée aujourd’hui de 41 ans, a décidé de porter plainte, mais trop tardivement, les faits étant prescrits.
Une psychologue a bien voulu témoigner, sous le couvert de l’anonymat, de faits identiques dont elle a connaissance. «J’ai eu des contacts avec beaucoup de foyers où il y a des problèmes de drogue. Souvent, l’usage de drogues ou d’alcool est lié à des abus sexuels ou psychiques ou touchent des jeunes qui ont été négligés par leurs parents. En général, aussi bien dans les foyers que dans les clubs sportifs, partout, il y a des cas d’abus, psychiques et physiques», nous dit-elle.
Des hommes et des femmes qui restent accros aux drogues pour oublier un passé douloureux. «Ils sont passés par des foyers, des tuteurs, des familles d’accueil. Bien sûr, certaines structures fonctionnent très bien, mais les éducateurs ne peuvent pas être partout», observe-t-elle.
La psychologue, qui recueille la détresse des victimes, regrette l’existence d’un délai de prescription dans ce genre d’affaires. Certes, les faits sont imprescriptibles en cas de viol sur mineur, mais il existe une prescription de 20 (délit) ou 30 ans (crime) à partir de la majorité pour l’atteinte à l’intégrité sexuelle sur mineur de moins de 16 ans, une prescription de 10 ans à partir de la majorité de la victime en cas d’atteinte à l’intégrité sexuelle sur un mineur de plus de 16 ans et une prescription de 30 ans à partir de la majorité pour une atteinte à l’intégrité sexuelle incestueuse sur un mineur.
La jeune victime venait de fêter ses 18 ans quand l’ancien directeur l’a invitée dans un cinéma où il se serait rendu coupable d’attouchements avant de vouloir l’embrasser dans la voiture.
La psychologue a connu des cas où un père incestueux a nié les faits pour lesquels il aurait pu être condamné, mais a reconnu des faits qui étaient prescrits. «Il a été condamné à verser une indemnité à sa fille, mais n’a pas eu de peine de prison.»
La psychologue confie avoir eu vent du comportement de l’ancien directeur, qui a officié pendant 30 ans dans l’institution de Mersch. Elle a reçu d’autres témoignages aussi d’abus sexuels qui ont eu lieu à Dreiborn ou dans d’autres foyers où des jeunes abusent d’autres jeunes. «J’en connais des drames et les auteurs sont parfois des gens très connus, mais je ne peux rien faire si les victimes refusent de témoigner», ajoute-t-elle.
Pour la victime qui a porté plainte en 2024, l’affaire a été classée, car les faits étaient prescrits. Ce qui n’a pas empêché la direction du Kannerduerf de faire un signalement au parquet le 7 mars dernier.
«J’espère qu’il y aura des suites, mais ce sera difficile», reconnaît la psychologue, qui connaît le cas de la victime qui a déclenché l’alerte. «Il faut des témoignages de gens qui étaient mineurs à l’époque où le directeur était encore en poste, jusqu’à fin 2014», insiste la psychologue.
D’autres victimes
La loi punit les auteurs d’une atteinte à l’intégrité sexuelle commise sur un mineur d’une peine de cinq à dix ans de prison quand l’auteur abuse de l’autorité que lui confèrent ses fonctions, d’une position reconnue de confiance ou d’influence, ou quand l’auteur est toute personne à laquelle le mineur a été confié et qui en a la charge.
La peine sera la réclusion de quinze à vingt ans si l’atteinte à l’intégrité sexuelle a été commise avec violence ou menace, et de vingt à trente ans si l’atteinte a été commise avec violence ou menace sur un mineur de moins de 13 ans.
L’association Innocence en danger s’est saisie du dossier lié au Kannerduerf. Elle a mené des investigations afin d’identifier d’autres victimes éventuelles, notamment des mineurs pour lesquels la prescription ne s’appliquerait pas.
Un appel à témoins à l’adresse des jeunes ayant été accueillis dans le village à Mersch a été publié sur son site internet.
Selon Reporter.lu, des témoignages du personnel ayant suivi l’adolescente au début des années 2000, peu après les faits, corroborent ses accusations et laissent entrevoir que d’autres enfants ou adolescents auraient pu être exposés à des abus.
L’association de soutien aux enfants victimes d’abus a effectué à son tour un signalement au parquet, après avoir finalisé une enquête et entendu des témoignages accablants.