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Affaire Grégory : le juge Lambert restait « persuadé » de l’innocence de Laroche


Lorsque le cadavre de Grégory Villemin, 4 ans, est retrouvé dans la Vologne le 16 octobre 1984, le juge d'instruction d’Épinal (au milieu) oriente ses recherches vers Bernard Laroche. (photos archives AFP)

Trente ans après la mort du petit Grégory, Jean-Michel Lambert, premier juge d’instruction de l’affaire retrouvé mort mardi, se disait « persuadé » de l’innocence de Bernard Laroche, premier suspect de l’affaire avant d’être libéré puis tué par son cousin Jean-Marie Villemin.

« Bernard Laroche est innocent. Je m’apprêtais à rendre un non-lieu quelques semaines après l’avoir libéré. Son assassinat ne m’en a pas laissé le temps », expliquait-il le 1er septembre 2014, une semaine avant la publication de son livre De combien d’injustices suis-je coupable ?. L’enquête, relancée à la mi-juin de façon spectaculaire, s’intéresse aujourd’hui notamment au « clan Laroche » avec la mise en examen d’un grand-oncle et d’une grande-tante de Grégory ainsi que de Murielle Bolle, la belle-sœur de Laroche.

Lorsque le cadavre de Grégory Villemin, 4 ans, est retrouvé dans la Vologne le 16 octobre 1984, le juge d’instruction d’Épinal oriente ses recherches vers ce proche de la famille Villemin. Dénoncé par Murielle Bolle, sa belle-sœur de 15 ans qui se rétractera, Bernard Laroche est placé en détention par le magistrat qui le libère trois mois plus tard faute de preuves. Mais le 29 mars 1985, il est tué par Jean-Marie Villemin, le père de l’enfant, persuadé de sa culpabilité.

« Je suis l’un des artisans de cette abjection. Mais je n’étais qu’une pierre de l’édifice judiciaire. Il y avait le parquet, la chambre de l’accusation (ancienne chambre de l’instruction). Chacun a joué un rôle dans ce drame », s’était défendu le juge Lambert. On a « fabriqué » un emploi du temps et « inventé » un mobile à Laroche pour lui faire endosser le crime, mais « cela ne tient pas », assurait-il, relevant une multitude d’incohérences : comment Laroche pouvait-il savoir que le petit Grégory jouerait en fin de journée, seul, devant la maison de ses parents aux volets clos ? A quel moment aurait-il écrit la lettre revendiquant le crime ? Pourquoi retourner à Lépanges pour la poster ?

Accablé dans les notes du juge Simon dévoilées mardi

Lors de l’entretien, comme dans le livre, Jean-Michel Lambert avait refusé d’évoquer Christine Villemin, la mère de l’enfant, qu’il avait inculpée le 5 juillet 1985 et placée sous mandat de dépôt. « Elle a bénéficié d’un non-lieu dont Bernard Laroche a été privé », lâchait-il, visiblement mal à l’aise, laissant planer le doute sur son intime conviction, trente ans après le drame.

L’instruction avait entretemps été reprise par un autre magistrat, le juge Maurice Simon, qui avait mis à mal toutes les thèses de celui qui était surnommé le « petit juge ». Ce sont d’ailleurs aujourd’hui les conclusions de l’instruction Simon qui sont à nouveau exploitées par les enquêteurs et dévoilées dans la presse mardi. Des notes consignées dans ses carnets personnels, dans lesquelles le juge Simon disait être « en présence de l’erreur judiciaire dans toute son horreur ».

Le juge Simon, le 14 octobre 1987.

Le juge Simon, le 14 octobre 1987.

Dans son ouvrage, le juge revenait sur ses 34 années dans la magistrature. « Lorsque j’ai débuté ma carrière de juge d’instruction, (…) j’ai souffert quelques temps d’un sentiment de supériorité, celui du jeune gandin qui avait réussi un concours difficile et qui exerçait désormais une fonction valorisante », avait-il reconnu. « La vie m’a appris à juger avec beaucoup d’humilité et à essayer de faire preuve d’humanité. »

« J’ai aussi appris à me protéger des médias », ajoutait celui qui fut traqué dans ses moindres faits et gestes tout au long des deux années au cours desquelles il mena l’instruction dans l’affaire Grégory. Jean-Michel Lambert, 65 ans, a été retrouvé mort à son domicile du Mans mardi soir, dans son bureau, avec un sac plastique noué sur la tête à l’aide d’un foulard.

Le Quotidien/AFP

Pas de lettre laissée et une autopsie prévue

Il y a « peu de place au doute » sur le fait que le décès de l’ex-juge Jean-Michel Lambert soit un suicide, a déclaré mercredi une source proche de l’enquête.

Selon cette même source une autopsie doit avoir lieu.

Le corps de l’ex-magistrat a été retrouvé dans son appartement du Mans, dans son bureau, avec un sac plastique noué sur la tête à l’aide d’un foulard. Selon les premiers éléments de l’enquête, son corps a été découvert par une voisine alertée par l’épouse du magistrat qui n’avait plus de nouvelle depuis la veille.

D’après les premières constatations, aucune trace d’effraction ou de lutte n’a été relevée dans son appartement. Aucune lettre n’a été retrouvée au domicile, selon une source proche du dossier.