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Affaire Caritas : «Vous désavouez tout le travail de la commission !»


Taina Bofferding, rapporteuse de la commission spéciale, s’est emportée hier lors du débat d’orientation sur les conclusions du rapport.

La commission spéciale Caritas a adopté un rapport à l’unanimité avec des recommandations au gouvernement que tous les partis semblaient approuver. Mais la majorité a finalement fait le tri.

L’affaire Caritas a donné lieu à des mois d’audition qui ont abouti à un rapport de la commission spéciale adoptée à l’unanimité. Puis, badaboum! La majorité a fait le tri dans les recommandations qu’elle avait pourtant approuvées dans le rapport et a déposé une motion qui a jeté le trouble en séance plénière. La rapporteuse, Taina Bofferding (LSAP), s’en est fortement émue, accusant la majorité de saboter des mois de travail. Le débat d’orientation, hier en plénière, sur les conclusions du rapport et ses recommandations, a laissé un goût amer à l’opposition.

La commission spéciale avait avancé prudemment pour accoucher d’un rapport qui puisse satisfaire tous les partis. Taina Bofferding, en le présentant, insiste sur les divergences qui sont apparues au fil des auditions, la majorité protégeant un gouvernement accusé par l’opposition d’avoir trop vite enterré la Fondation Caritas après que le scandale du détournement de 61 millions d’euros eut été découvert. «Je ne peux pas croire que le gouvernement ne se soit pas immiscé dans la création de HUT qui rassemble les soi-disant philanthropes du pays proches du gouvernement», dira d’ailleurs Marc Baum (déi Lénk).

Son «plus grand regret» restera le mystère qui entoure la naissance de cette nouvelle entité, ajoutera en substance le député de la Gauche. L’opposition ne fait pas l’économie de critiques concernant le management de crise, jugé déplorable, ce qui sans doute ne sied guère à la majorité. Tout cela était connu au fil des réunions de la commission et si Taina Bofferding salue, tout comme le président de la commission spéciale, Charles Weiler (CSV), la collégialité qui y a régné pendant tous ces mois, les divergences d’opinion ont finalement pris le dessus.

«C’est surréaliste!», clame Taina Bofferding qui peine à trouver ses mots, tant elle se déclare abasourdie par la motion déposée par Charles Weiler au nom de la majorité. «Nous sommes tombés tous d’accord en commission et vous arrivez avec une motion pour dire autre chose! Vous désavouez tout le travail de la commission spéciale, c’est ridicule», s’emporte-t-elle.

Carole Hartmann, pour le DP,  propose de rejeter la motion déposée par tous les partis de l’opposition, qui reprend toutes les recommandations contenues dans le rapport. La majorité n’en retient que douze, évitant celle qui préconise «une meilleure information juridique, en particulier en matière de droit du travail à destination des acteurs du secteur social – notamment sur l’opportunité de mettre en place un plan de maintien dans l’emploi ou un plan social, ainsi que sur les implications d’un transfert d’entreprise».

Sur ce point, la justice doit encore trancher la question. L’OGBL et le LSAP avaient âprement critiqué les conditions dans lesquelles les salariés de Caritas avaient dû signer le nouveau contrat de travail présenté par HUT. L’OGBL avait insisté pour obtenir un transfert d’entreprise, une disposition légale qui prévoit notamment que le nouvel employeur reprenant les activités d’une autre entité doit maintenir et respecter les conditions de travail de l’ensemble des salariés.

Les membres de la commission spéciale avaient unanimement admis la nécessité de «renforcer l’information sur les conditions dans lesquelles une reprise d’activités doit être considérée comme un transfert d’entreprise au sens du droit du travail, une fois les litiges en cours définitivement tranchés et d’envisager, le cas échéant, des modifications législatives appropriées».

Manque de moyens

Dans ce même rapport, la Commission spéciale s’interroge sur l’utilité d’introduire dans le Règlement de la Chambre des Députés un nouveau type de commission parlementaire, dont les pouvoirs et compétences se situeraient entre ceux d’une Commission spéciale – actuellement destinée principalement à l’élaboration et à l’examen de projets et propositions de loi – et ceux d’une Commission d’enquête. La cellule scientifique pourrait se charger de réaliser une étude comparative des outils que constituent les Commissions spéciales, les commissions d’enquête ainsi que d’éventuelles autres formes de Commissions dans différents pays.

« Indépendamment de la question relative à la forme de la Commission spéciale, celle-ci a également été confrontée à une difficulté liée à la consultation de certains documents confidentiels au cours de ses travaux, dont le contenu ne devait toutefois pas être rendu public. Soucieuse de travailler en toute transparence, dans la mesure du possible, à chaque étape, la Commission spéciale a vu apparaître certaines interrogations quant à la possibilité d’intégrer ces documents confidentiels dans ses analyses et recommandations », indique le rapport.

À ce propos, le pirate Sven Clement fait part de sa grande déception. « Force est de constater que le Luxembourg n’a aucune expertise en matière de commission spéciale. Je pensais qu’on allait pouvoir connaître la vérité, comprendre comment ce scandale a pu avoir lieu, mais la chambre n’a pas les bons moyens. Des documents confidentiels que l’on ne pouvait pas exploiter, c’est absurde. Nous avons obtenu des informations par la presse qui étaient refusées à la chambre ! », observe-t-il.

Comme Djuna Bernard avant lui, et le socialiste Franz Fayot, il juge que c’était une décision politique de ne pas sauver la Caritas.