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Affaire Caritas : déjà un an


Les chances de retrouver les 61 millions d’euros sont nulles, selon le parquet. 

Le parquet a fait le point ce lundi 21 juillet, après un an d’enquête concernant le détournement de 61 millions d’euros chez Caritas.

L’affaire a presque totalement fait disparaître Caritas Luxembourg. Elle a aussi fait l’effet d’une bombe dans le monde des organisations non gouvernementales du pays.

Le parquet de Luxembourg a fait le point, ce lundi, sur l’enquête concernant le détournement de 61 millions d’euros chez Caritas. Le dossier est particulièrement «volumineux» et «complexe», de l’aveu même de l’autorité judiciaire.

Tout commence le 16 juillet 2024 avec le dépôt de plainte du directeur général de la Fondation Caritas Luxembourg. Cette plainte visait la directrice financière de la fondation, soupçonnée d’avoir mis en œuvre, entre le 9 février 2024 et le jour du dépôt de la plainte, des transferts frauduleux, entre autres au préjudice de la fondation, pour un montant de 61 208 830 euros très exactement.

Dès le lendemain, une instruction judiciaire a été ouverte, aboutissant le 18 juillet 2024 à l’émission d’un mandat d’arrêt à charge de la directrice financière de la fondation, qui semble être à l’origine des transferts frauduleux.

Le juge d’instruction en charge du dossier a confié aux enquêteurs du service de police judiciaire de la police grand-ducale, département économique et financier, la tâche de faire la lumière sur ces transferts frauduleux.

Dans une première phase, les locaux de la fondation ainsi que le domicile de la directrice financière à l’étranger ont été perquisitionnés sur la base d’une décision d’enquête européenne.

De nombreux témoins, essentiellement des employés de la fondation, ont été entendus et la directrice financière interrogée. Cette dernière a été inculpée par le juge d’instruction du chef de faux et usage de faux, d’escroquerie, d’abus de confiance, de blanchiment d’argent, de vol domestique et de fraude informatique. Elle a été placée sous contrôle judiciaire à l’issue de sa première comparution, rappelle le parquet.

Une enquête internationale

Plusieurs milliers de transactions concernant les sommes détournées ont été suivies de près par la cellule de renseignement financier et analysées en étroite collaboration avec des enquêteurs de la section Formation, Appui et Méthodologie écofinancière (FAME).

C’est ainsi, au bout de recherches fastidieuses, que l’identité des détenteurs et bénéficiaires effectifs présumés de quatorze comptes espagnols crédités directement et exclusivement par les avoirs détournés au préjudice de la Fondation Caritas a pu être déterminée.

Les personnes physiques identifiées comme bénéficiaires économiques de ces comptes ont toutes été arrêtées en vertu de mandats d’arrêt européens notamment de la Bulgarie, du Royaume-Uni et de la France.

Du côté luxembourgeois, les actions étaient menées à bien par huit enquêteurs de la section FAME, épaulés par deux enquêteurs de la cellule FAST (service de recherche de fugitifs), tous du service de police judiciaire.

Au fur et à mesure de l’avancée de ces opérations, les personnes arrêtées ont été remises au juge d’instruction luxembourgeois, qui a procédé à leur inculpation et décerné des mandats de dépôt à leur encontre.

À ce stade de la procédure à dimension internationale, plus d’une centaine de messages ont été échangés via la plateforme Siena (secure-information-exchange-network-application) entre le CCPD (Centre de coopération policière et douanière) et Interpol, une trentaine de décisions d’enquête européennes et de commissions rogatoires internationales ont été décernées à l’adresse des autorités étrangères de 13 États, 27 ordonnances de perquisition et de saisie ont été émises et 54 ordonnances de saisie de fonds bloqués au Luxembourg et à l’étranger ont été rendues.

L’exploitation d’un grand nombre d’outils informatiques et des innombrables informations obtenues lors de l’enquête a été confiée aux enquêteurs de la section FAME, assistés ponctuellement par des membres de la section nouvelles technologies de la police judiciaire.

En complément, près de 40 commissions rogatoires internationales et demandes d’entraide européennes ont été décernées par le juge d’instruction en vue de solliciter la collaboration des autorités étrangères.

Où est passé l’argent ?

Il est en effet apparu que les sommes détournées ont été immédiatement virées à partir des 14 comptes espagnols ouverts par les personnes arrêtées. Ces personnes n’avaient probablement aucun contrôle effectif sur les mouvements de ces comptes vers d’autres comptes, que ce soit en Espagne ou dans d’autres juridictions étrangères.

Alors, où est l’argent ? «La grande majorité des avoirs s’est volatilisée par l’effet de la superposition de plusieurs stratégies de blanchiment de capitaux et d’une cascade de transferts bancaires à travers le globe de sommes de plus en plus insignifiantes et investies en cryptomonnaies», indique le parquet.

Pour l’autorité judiciaire, le schéma mis en place pour mettre les fonds détournés au préjudice de la fondation à l’abri des autorités fait penser à un réseau de blanchisseurs professionnels, usant de techniques de constitution de sociétés et d’ouverture de comptes bancaires essentiellement par des hommes de paille issus de milieux défavorisés et faiblement rémunérés. Ainsi, la trace des fonds détournés se perd au fur et à mesure des opérations. Difficile donc de mettre la main sur l’intégralité de la somme volée. 

Les faibles sommes détournées retracées par l’instruction ont été bloquées, puis saisies sur ordre du juge d’instruction. Le rapatriement de ces fonds peut s’avérer techniquement très compliqué et risque de ne pouvoir se faire qu’à l’issue de la procédure d’instruction, sinon au moment d’un éventuel procès au fond, ajoute le parquet.

Fin juin 2025, le parquet de Luxembourg a approché certains hommes de paille toujours détenus en vue de l’établissement d’un accord, tel que prévu au Code de procédure pénale.

Ainsi, deux de ces personnes ont reconnu leur culpabilité et ont accepté la sanction proposée par le parquet. Ces deux hommes ont été condamnés, par jugements du 15 juillet dernier, chacun à une peine d’emprisonnement de 18 mois, dont 15 mois avec sursis, et à une amende de 3 000 euros. La confiscation de leurs téléphones portables a également été décidée.

L’instruction se poursuit sous la direction du juge d’instruction.

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