La fiscalité va-t-elle être inscrite à l’ordre du jour de la tripartite ? Le gouvernement doit trancher ce mercredi. Le Premier ministre n’exclut pas une négociation à part de ce point crucial pour les syndicats.
C’est d’un pas décidé que les délégations de l’OGBL, du LCGB et de la CGFP sont entrées, hier, dans la salle de réunion du château de Senningen. Face au gouvernement, le camp syndical n’a pas laissé planer l’ombre d’un doute. «Nous avons fait savoir au Premier ministre et aux ministres présents qu’il est plus que jamais indispensable de procéder à une adaptation du barème d’imposition à l’inflation. Nous avons expliqué notre position et souligné qu’une telle adaptation est incontournable», martèle Nora Back, la présidente de l’OGBL, à la sortie de la bipartite.
«Sommes-nous prêts à ouvrir cette discussion?»
Xavier Bettel confirme que les syndicats ont insisté sur ce point, contrairement au patronat. «Il nous faut désormais décider si on va discuter fiscalité lors de la tripartite», note le Premier ministre. Mardi, un premier débriefing a eu lieu à Senningen. Ce mercredi matin, le gouvernement, réuni en Conseil, devra arrêter sa position. Il s’agira en premier lieu de définir le cadre adapté pour discuter du barème d’impôt. «La politique fiscale ne tombe pas sous la compétence d’une tripartite. Elle est destinée à réagir à une situation ayant trait au travail, au social ou à l’économie», avance le Premier ministre. Il compte poser la question suivante à ses collègues ministres : «Sommes-nous prêts à ouvrir cette discussion ou pas, aussi dans l’optique de trouver, avec les partenaires sociaux, une réponse commune pour faire face aux défis qui nous attendent?»
Un cadre bipartite, soit une négociation à part avec les syndicats, ne semble pas exclu. Cette option a du moins été émise, hier, par un Xavier Bettel qui garde encore toutes les portes ouvertes. «Pour le moment, deux points figurent à l’ordre du jour de la tripartite de vendredi. Je ne veux pas exclure qu’un troisième s’ajoutera, mais je veux d’abord analyser les différentes revendications émises aujourd’hui.»
«Assurer le pouvoir d’achat et les emplois des gens»
«La balle est dans le camp du gouvernement. En tout état de cause, notre revendication est maintenue», souligne de son côté Romain Wolff, le président de la Confédération générale de la fonction publique (CGFP). S’y ajoute la discussion sur la prolongation temporaire («phasing-out») des mesures d’aides décidées en septembre dernier. «On ne peut pas se permettre un choc inflationniste en janvier 2024, car plus aucune mesure ne sera en vigueur. Un « phasing-out« est donc nécessaire, tout comme une prolongation des plafonnements sur les prix de l’énergie», fait remarquer Nora Back.
Patrick Dury, le président du LCGB, rappelle l’importance d’«assurer, en cette période de crises multiples, le pouvoir d’achat et les emplois des gens». Il salue aussi le rétablissement intégral de l’index lors de la tripartite de septembre. «Or, nous avons désormais une situation où depuis 2017, la compensation nette de l’inflation diminue toujours plus en raison de la progression à froid. C’est pourquoi nous voulons que l’adaptation du barème figure à l’ordre du jour», expose-t-il.
Un accord final déjà menacé ?
La mise à écart de la question fiscale lors de la tripartite pourrait venir rapidement plomber l’espoir d’un accord final. «C’est une affaire à suivre. On va voir comment les choses vont évoluer», se contente de dire Romain Wolff. «Il est de la responsabilité du gouvernement, mais aussi des syndicats et du patronat, de trouver les bonnes réponses à des problèmes concrets», rétorque d’ores et déjà le Premier ministre. Les tractations sont bel et bien lancées.
«Un vol sur le salaire net»
La non-adaptation du barème à l’inflation entraînerait une perte de pouvoir d’achat que les représentants des salariés et des fonctionnaires ne peuvent plus tolérer. «Si trois tranches indiciaires arrivent cette année, cela entraînerait une augmentation des impôts de plus de 20 % par rapport à 2016», a calculé la CGFP. Ceux qui en souffrent le plus sont les bas salaires et la classe moyenne.
Selon le calcul des syndicats, pour un salaire moyen, une tranche indiciaire de 2,5 % brut représenterait, donc, seulement une augmentation nette de 1,75 %. «Tant que l’on n’adapte pas automatiquement le barème à l’inflation, on commet un vol sur le salaire net à chaque déclenchement d’une tranche indiciaire, puisque le salaire net progresse moins que les 2,5 % de l’index et donc moins que l’inflation», observe l’OGBL.
Pour que l’index puisse pleinement jouer son rôle, il faut donc qu’il soit accompagné d’une adaptation du barème à l’inflation.