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Accident de chasse à Fentange : la victime touchée à 569 m de distance


Lorsque la victime a pris la balle en pleine mâchoire, elle était installée sur une terrasse d'une résidence à Fentange avec ses amis. (Photo : archives lq/Hervé Montaigu)

Le 24 septembre 2016, le chasseur voulait tirer sur un sanglier. Mais le tir a raté sa cible et il a grièvement blessé une femme au visage installée sur la terrasse d’une résidence à Fentange. Son procès s’est ouvert ce mardi matin. Il est poursuivi pour coups et blessures involontaires.

«J’ai tiré, je le reconnais. Mais j’ai bien ‘enterré’ la balle. Elle a bien touché le sol car j’ai vu de la poussière. Ce qui s’est passé ensuite, je le regrette profondément.» C’étaient les mots du chasseur poursuivi pour coups et blessures involontaires à l’ouverture de son procès, ce mardi matin. L’homme de 51 ans, qui a son permis de chasse depuis l’âge de 18 ans, s’était rapidement retrouvé dans le viseur de la justice. À peine avait-il rejoint, le 24 septembre 2016, avec ses compagnons de chasse le parking à Fentange que la police les attendait. Les cinq chasseurs qui avaient traqué cet après-midi des sangliers dans un champ de maïs avaient dû remettre leurs armes. Le calibre du projectile récupéré dans la mâchoire de la victime après opération avait permis d’identifier l’arme du tireur.

L’accident de chasse aurait pu tourner au drame fatal. «Le projectile a perforé sa joue droite et éclaté sa mâchoire inférieure. Quelques centimètres plus bas, et c’est la région de son cou qui aurait été touchée», a expliqué le médecin légiste face au tribunal. La victime, âgée aujourd’hui de 50 ans, se souvient d’avoir perçu un sifflement alors qu’elle était entourée de ses amis sur la terrasse d’une résidence à Fentange. Avant de perdre connaissance. C’est un ambulancier qui lui avait annoncé qu’elle avait une balle dans la mâchoire. Elle avait d’abord été transférée au CHL puis dans un hôpital spécialisé à Louvain en Belgique. Toute une série d’opérations auront été nécessaires pour extraire le projectile et les éclats et enfin stabiliser la mâchoire.

Pendant de longs mois, la victime a dû se nourrir par le biais d’une paille. Durant cinq mois et demi, la magistrate belge sera restée en incapacité de travail. Les séquelles, il lui en reste toujours. Du côté droit, elle ne peut plus mâcher et elle ne sent plus non plus sa lèvre inférieure, a-t-elle  témoigné à la barre de la 13e chambre correctionnelle. Elle déclare également ne plus oser se promener en forêt aujourd’hui… «Je suis consciente que Monsieur ne l’a pas fait exprès», a ajouté la victime en soulignant qu’elle espérait toutefois que le chasseur avait pris toutes les précautions pour éviter l’accident.

Le sanglier traqué se trouvait 4 à 5 m plus haut

Retour sur les lieux de l’accident. Les positions respectives de la victime, du tireur et du sanglier avaient été mesurées. D’après les calculs de la police technique, le tireur se trouvait à 270 m d’altitude. L’animal traqué se serait trouvé 4 à 5 mètres plus haut… «Dans ces conditions est-ce que le chasseur pouvait respecter la règle de la chasse et tirer d’en haut vers le bas pour que le projectile se fiche dans le sol?», voulait savoir Me Lisa Wagner, l’avocate de la partie civile. On sait également que la victime sur la terrasse se trouvait à 274 m d’altitude.

L’enquêteur de la police technique n’a pas pu répondre. La question des consignes de sécurité a donc été reposée au témoin suivant qui lui aussi avait participé à la chasse. «La règle est de ne pas tirer au-dessus de l’horizon», a-t-il déclaré. Il se souvient d’avoir à l’époque dit aux autres chasseurs de faire attention que le terrain à Fentange était assez plat. Selon lui, l’ensemble des règles à respecter ne seraient toutefois pas répétées avant chaque partie de chasse : «Quand vous avez votre permis de conduire, on ne vous rappelle pas non plus à chaque fois le code de la route.»

«Une balle peut parcourir 4 à 5 km»

Le fait que la chasse était organisée à proximité des voies ferrées, du cimetière de la localité et d’un chemin pour promeneurs sans qu’aucun panneau n’ait été monté ne semble pas avoir étonné le témoin. «En théorie rien ne doit arriver. Car on n’a pas le droit de tirer sur un chemin. Et il faut ‘enterrer’ la balle», a-t-il assuré. Quand le tribunal l’a plus particulièrement interrogé sur les règles à respecter près des habitations, il a répondu : «Une balle peut parcourir 4 à 5 km. Dans ce cas, on ne pourrait quasiment plus chasser au Luxembourg…»

Mercredi après-midi, la parole sera à l’expert en balistique qui a analysé la trajectoire du projectile. Dans son rapport, il a retenu qu’en raison de la topographie des lieux, le tir sur le sanglier était dangereux. Il aurait été presque impossible de garantir que la balle se fiche dans la terre.
La suite on la connaît. La balle a fini sa trajectoire 569 m plus loin dans la joue de la victime après être passée entre deux maisons…

Fabienne Armborst