Fonctionnement, prévention… le Vicaire général, Patrick Muller, décrit le point de contact pour les victimes d’abus mis en place au sein de l’Église luxembourgeoise.
Quelques jours après la confirmation par l’Église catholique luxembourgeoise d’un cas d’abus sexuel dans un foyer pour enfants dans les années 1970-1980, le vicaire général, Patrick Muller, revient sur le fonctionnement du point de contact au sein de l’Église catholique dont dispose l’archidiocèse de Luxembourg.
En 2010, qu’est-ce qui a motivé la création de ce point de contact pour les victimes d’abus ?
Patrick Muller : Ce point de contact pour les victimes d’abus a été créé en 2010. À ce moment-là, partout dans le monde, l’Église a commencé à créer des lignes téléphoniques ou des adresses électroniques pour que les victimes d’abus puissent s’adresser en toute confidentialité à des professionnels. Ici, un numéro d’urgence a été mise en place à ce moment-là, et ceux qui le souhaitaient pouvaient se manifester.
Puis en 2019, un sommet a eu lieu au Vatican au sujet des abus au sein de l’Église, à l’initiative du pape François. Et alors, dans notre diocèse, avec l’archevêque Jean-Claude Hollerich, nous avons décidé de publier chaque année un bilan sur le nombre de cas d’abus recensés par ce point de contact pour les abus sexuels.
Comment fonctionne-t-il ?
Aujourd’hui, Madame Martine Jungers et son équipe sont chargées de traiter ces déclarations d’abus. Les victimes peuvent les joindre par téléphone ou par courriel. Il s’agit toujours d’un premier contact. Ensuite, les gens peuvent choisir s’ils veulent en rester là, s’ils veulent rappeler, continuer par courriel, ou bien la rencontrer pour un entretien. Suivant les cas, elle peut être amenée à écrire un rapport à la suite d’une entrevue. Et ce rapport, si la personne qui vient lui parler le souhaite, peut m’être transmis, puis je le fais suivre au parquet, comme cela s’est produit pour le cas d’abus sexuels sur mineur sur lequel nous avons communiqué en début de semaine.
Celui-ci est vieux de 50 ans. Celui qui a commis cet abus est mort. Il n’y a plus de procès pénal possible en principe. Mais par transparence, comme il y a eu crime, nous le transmettons au parquet pour qu’il soit informé de cela.
Quel est le rôle exact de Martine Jungers ?
Elle est interlocutrice en matière d’abus sexuels, elle a une formation de psychologie pastorale. Elle s’est spécialisée pour prendre en charge les victimes qui ont subi un traumatisme. Elle sait comment parler avec ces victimes, comment les encadrer, comment les aider.
Combien de cas d’abus sexuels au sein de l’Église ont-ils été déclarés depuis l’ouverture du point de contact ?
Il y a en moyenne trois cas par an. En 2010, année d’ouverture de la ligne, 39 cas d’abus sexuels au sein de l’Église ont été déclarés. Depuis, nous avons comptabilisé 43 nouveaux cas, soit un total de 82 cas d’abus sexuels déclarés en 25 ans.
Est-ce que dans l’histoire de l’Église au Luxembourg, il y a des agents pastoraux qui ont déjà été condamnés pour des actes sur des mineurs, ou en tout cas des abus.
Le seul dont je me souvienne, c’est le curé de Belair.
Faire prendre conscience qu’un abus sexuel est un acte terrible
Depuis 2017, les agents pastoraux et les bénévoles doivent suivre certaines formations. En quoi consistent-elles ?
Ces formations sont destinées à des professionnels de l’Église catholique qui travaillent dans un domaine pastoral avec des mineurs ou avec des personnes en état de dépendance, comme dans les hôpitaux. À noter que nous avons également des formations pour les bénévoles. En 2024, cinq formations ont été organisées pour les bénévoles, auxquelles 76 personnes ont participé.
Alors, en quoi consistent ces formations? Il y a tout d’abord un volet psychologique. Il s’agit de faire prendre conscience qu’un abus sexuel est un acte terrible qui transgresse l’intégrité personnelle, sexuelle, et que c’est quelque chose de très grave, quelque chose qu’une victime ne pourra jamais oublier.
Les personnes qui suivent les formations, de même que toutes celles qui sont engagées par l’archevêché, doivent signer une charte qui les engage à déclarer immédiatement les cas d’abus ou de soupçon d’abus. La charte implique, par exemple, de ne pas entrer dans certaines situations. Par exemple, partager une chambre avec un mineur, ou être seul dans une pièce fermée avec un mineur. On leur apprend à éviter des situations, même s’il n’y a aucune mauvaise intention, qui pourrait donner lieu à un soupçon.
Les formations sont également menées par des juristes, pour le droit ecclésiastique. Si un prêtre touche un enfant, il est également tout de suite puni par le droit canonique, il ne peut plus exercer. Un juriste civil intervient aussi, sur le volet des conséquences pénales.