Un homme à tout faire de 41 ans est accusé d’avoir profité de la démence d’une nonagénaire isolée pour arrondir ses fins de mois. Il dit avoir été rétribué pour divers services et travaux.
Ardijan conduisait Edmée à la pharmacie et chez le médecin en Maserati Ghibli. D’occasion. La nonagénaire la lui avait achetée pour qu’il n’ait pas besoin d’utiliser son propre véhicule pour lui rendre service. La dame âgée était isolée et le prévenu de 41 ans s’est taillé une place privilégiée dans sa vie, se rendant indispensable. Jusqu’à ce que la Spuerkeess tire la sonnette d’alarme auprès de la cellule de renseignement financier. Des transactions suspectes avaient eu lieu sur les comptes bancaires de la vieille dame.
Plus de 200 000 euros ont été prélevés sur ses comptes courant et épargne entre le décès de son époux en avril 2017 et 2020. Bien plus que ce dont Edmée avait besoin pour vivre. «Nous ne savons pas exactement où est passé cet argent», a indiqué un enquêteur de la police judiciaire hier après-midi face à la 9e chambre correctionnelle du tribunal d’arrondissement de Luxembourg. Edmée était «atteinte de démence depuis un ou deux ans» au moment des faits, selon l’expert neuropsychiatre qui estime qu’ «elle était très manipulable» et «n’avait plus de notion d’argent». Son troisième et dernier époux avait demandé à Ardijan de veiller sur elle après son décès.
Le prévenu a joué les hommes à tout faire et a rénové la maison que la vieille dame a acquise à Esch-sur-Alzette après avoir vendu celle dans laquelle elle avait résidé avec son époux à Luxembourg-Limpertsberg. Il est accusé d’abus de faiblesse. L’argent prélevé a-t-il servi à payer les travaux et la voiture italienne ou a-t-il été empoché par Ardijan ? L’homme originaire du Monténégro ne présentait pas de factures. «Il travaillait et il a été rétribué pour les travaux effectués, mais il est difficile de dire de combien», reconnaît le policier. Ainsi que dans quelle mesure Edmée a pu être mise sous pression par le prévenu. «Elle a pu vouloir prendre la défense d’Ardijan pour se protéger elle-même», note-t-il.
Sa femme de ménage et sa femme de compagnie connaissaient le prévenu. Le notaire qui a obtenu la tutelle de la nonagénaire en février 2021 les a balayées de sa vie. Ainsi que le prévenu. «Je crois qu’on a un peu profité d’elle. La Maserati Ghibli n’était pas une voiture adaptée pour une dame âgée et elle se trouvait au domicile du prévenu», a avancé l’homme de loi. «Quand je suis allé la voir à Mondorf, son frigo était vide. Il n’y a pas eu de vraie prise en charge professionnelle de la part du prévenu.» Ce dernier prétend avoir avancé de l’argent qui, depuis la mise sous tutelle, ne lui a pas été remboursé. Notamment pour des fenêtres et des courses.
La personne à contacter
«Edmée n’avait pas le droit de parler de l’argent qu’elle donnait à Ardijan. Elle l’a fait une fois et il m’a reproché de ne pas me mêler de mes affaires. Je crois qu’il avait mis des microphones dans l’appartement», accuse l’ancienne dame de compagnie de la victime présumée qui semble avoir des comptes à régler avec le prévenu et ne le porte visiblement plus dans son cœur.
Un ancien ami à qui le quadragénaire avait emprunté de l’argent pour acheter des matériaux pour restaurer la maison de la vieille dame à Esch-sur-Alzette témoigne également. «Elle lui a donné cent fois de l’argent en ma présence quand il lui en demandait pour les travaux ou en cadeau. Il le jouait au casino. Il est dépendant des jeux», s’est souvenu le témoin qui reconnaît que le prévenu s’occupait de la dame âgée. «Il ne lui montrait jamais de factures et il était en possession de la carte de crédit d’Edmée.»
«Je voyais Ardijan régulièrement. Il était la personne à contacter en cas de problème», a quant à lui confirmé le concierge de la résidence senior de Mondorf dans laquelle Edmée avait déménagé de juillet 2020 à avril 2021 avant de partir vivre chez sa fille en Autriche. Elle avait alors revendu la maison d’Esch-sur-Alzette. Sous la contrainte et à un prix inférieur au prix du marché, selon certains témoins.
En droit luxembourgeois, l’article 493 du code pénal «punit d’une peine d’emprisonnement de trois mois à trois ans et d’une amende de 251 à 50 000 euros l’abus frauduleux de l’état d’ignorance ou de la situation de faiblesse soit d’un mineur, soit d’une personne dont la particulière vulnérabilité, due à son âge, à une maladie, à une infirmité, à une déficience physique ou psychique, est apparente ou connue de son auteur, soit d’une personne en état de sujétion psychologique ou physique résultant de l’exercice de pressions graves ou réitérées ou de techniques propres à altérer son jugement, pour conduire ce mineur ou cette personne à un acte ou une abstention qui lui sont gravement préjudiciables».
Le prévenu, qui a renoncé à l’assistance d’un avocat, a prétendu que la vieille dame était en pleine possession de ses moyens et qu’il n’avait pas profité du fait qu’elle soit désorientée pour lui soutirer de l’argent.