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Abus dans le sport : «Bien sûr qu’il y a des cas au Luxembourg»


Le COSL reçoit actuellement un à deux appels par mois sur ce genre de problème, explique Michelle Tousch. (Photo : Julien Garroy)

Depuis mai dernier, Michelle Tousch s’occupe du volet Safeguarding au COSL. À ce titre, elle a accompagné la délégation luxembourgeoise aux JO de Paris.

Nouvelle directrice des opérations au sein du Comité olympique et sportif luxembourgeois (COSL), Michelle Tousch est chargée depuis quelques mois des questions liées à l’intégrité dans le sport.

Elle a ainsi suivi les athlètes luxembourgeois aux JO cet été en tant que responsable safeguarding, un concept assez nouveau pour le Luxembourg.

«Ce terme désigne la prévention et la protection des athlètes contre les abus et le harcèlement dans le milieu sportif», précise cette juriste de formation.

«J’ai été spécifiquement formée durant huit mois par le CIO, aux côtés de 100 participants de 80 autres pays.»

Les violences psychologiques en tête

En plus de définir les différentes formes d’abus, le Comité international olympique (CIO) a appris à ses membres comment les repérer, les prévenir et agir, en construisant un mécanisme de réponse efficace.

«Les cas les plus médiatisés – violences de la part d’un coach, abus sexuels sur des jeunes filles – ne sont pas représentatifs. L’immense majorité des violences sont psychologiques et peuvent aussi venir de coéquipiers ou de parents.»

Le harcèlement moral est très répandu, tout comme la négligence, qui se manifeste à travers le manque de supervision ou la mise à l’écart d’un athlète. Sans oublier les violences physiques, les coups ou les bizutages qui tournent mal.

Les hommes aussi

Autre fait à rebours des clichés : les hommes sont aussi concernés, les garçons étant plus nombreux à subir des abus sexuels par exemple.

En tant qu’athlète – elle a fait de la gymnastique à haut niveau, de l’athlétisme et pratique aujourd’hui le volley-ball – Michelle Tousch connaît bien le monde sportif et sait que les dérives existent, y compris au Grand-Duché.

«On ne dispose pas de statistiques sur le sujet, mais bien sûr qu’il y a des cas au Luxembourg. C’est juste qu’on n’en parle pas.»

«J’ai vu beaucoup de pression parentale»

Pour elle, le jour où un point de contact centralisé sera mis en place par l’ALAD, les signalements pourraient affluer.

«Au volley, je me rappelle un entraîneur qui filmait dans les vestiaires. D’autres n’étaient pas toujours corrects avec les joueuses ou leur envoyaient des messages non sollicités. Plus jeune, j’ai aussi vu beaucoup de pression parentale sur les gymnastes.»

Trois quarts des enfants sportifs concernés

Selon une étude européenne publiée en 2021 et portant sur plus de 10 000 personnes dans six pays, 75 % des enfants ayant pratiqué un sport ont subi des abus. Un chiffre qui gonfle même jusqu’à 80 % pour la Belgique. Près des deux tiers d’entre eux disent avoir subi des violences psychologiques, allant de la simple mise à l’écart jusqu’aux humiliations, tandis que 44 % font part de violences physiques. Les garçons sont nettement plus susceptibles de subir des violences.

Des effets néfastes à tous les niveaux 

Des abus aux conséquences parfois graves sur le bien-être et la santé des athlètes, et d’une manière générale, dommageables pour le sport.

«Des athlètes qui mettent fin à leur carrière, ce sont des médailles en moins. La réputation d’un club ou d’une fédération peut également s’effondrer, avec un impact financier si des sponsors se retirent.»

Michelle Tousch cite encore la chute des effectifs féminins au moment de l’adolescence, un autre phénomène que le safeguarding pourrait freiner, elle en est persuadée.

La Finlande et l’Allemagne en avance

En Europe, le safeguarding s’est beaucoup développé ces dernières années, en particulier en Finlande et en Allemagne, tandis que le Luxembourg accuse un certain retard. Cependant, une prise de conscience récente à tous les niveaux permet d’avancer à grands pas .

«On est sur la bonne voie. Tout le monde est mobilisé, les clubs, les fédérations, le gouvernement, ou les autorités sportives comme l’ALAD. Les instances internationales poussent dans le bon sens, et ça porte ses fruits, dans l’athlétisme notamment.»

«L’objectif, c’est un référent par fédération»

Sur le terrain, pourtant, il semble difficile d’imposer un responsable safeguarding dans chaque club sportif alors que ceux-ci, souvent gérés par des bénévoles, manquent déjà de bras.

«L’objectif, c’est d’avoir au moins un référent par fédération», explique-t-on au COSL. Un projet qui fait grincer des dents, avec la crainte de voir les entraîneurs bénévoles déserter.

«L’idée n’est pas de les pointer du doigt, mais de les guider dans leur pratique», désamorce Michelle Tousch.

L’exemple des JO

«Aux JO, on avait créé des affiches pour que les athlètes identifient les personnes de contact. On avait établi un code de conduite avec des règles à respecter et des sanctions, la plus lourde étant l’exclusion. Toute la délégation l’a signé», raconte la directrice des opérations.

Actuellement, le COSL reçoit un à deux appels par mois concernant ce genre de problèmes et assure conseil et orientation vers des psychologues et des avocats.

Lorsque l’ALAD ouvrira son nouveau service, le COSL jouera un rôle de soutien et agira spécifiquement sur les événements sportifs.