Chaque année, à l’occasion du jeudi de l’Ascension, Wiltz devient le théâtre d’un des plus grands rassemblements religieux du pays. Depuis 36 ans, Fernanda Gonçalves vit avec passion cet évènement dans sa commune, aux côtés de ses proches.
C’est un évènement religieux, doublé d’une fête populaire, devenu incontournable au Luxembourg depuis la fin des années 1960. Hier encore, des milliers de pèlerins se sont rendus à Wiltz pour rendre hommage à Notre-Dame de Fátima.
Si la pluie avait gâché quelque peu les préparatifs mercredi, le soleil était toutefois au rendez-vous pour accompagner la procession jusqu’au sanctuaire Op Baessent, taillé dans le grès voilà déjà 74 ans sur les hauteurs de la commune.
Un monument historique que Fernanda Gonçalves a la chance d’apercevoir depuis les fenêtres de sa maison, sur les hauteurs de Weidingen Wiltz. Une proximité que la bénévole des Œuvres paroissiales de Niederwiltz chérit particulièrement depuis son plus jeune âge.
C’est en effet à neuf ans que la petite Fernanda arrive au Luxembourg, depuis Braga, sa région natale au Portugal. L’envie d’avoir «une vie meilleure» pousse ses parents à traverser la France pour s’installer au Grand-Duché. À seulement quelques kilomètres du sanctuaire de Notre-Dame de Fátima.
«Le plus drôle, c’est qu’à cet âge-là, je ne connaissais pas cette tradition. J’avais appris l’histoire des trois pasteurs et de Fátima, bien sûr, (NDLR : lire l’encadré ci-dessous) mais j’ignorais que nous étions juste à côté», se remémore-t-elle.
Trente-six ans de ferveur
À l’époque, cette famille très catholique se rend à la messe tous les dimanches. Et finit par être abordée par des bénévoles afin de participer au pèlerinage de Fátima. «Nous nous sommes habitués aux coutumes d’ici», glisse en riant Fernanda, qui commence alors la vente de bougies au profit des Œuvres paroissiales. «C’est là que tout a commencé», souffle celle qui, 36 ans plus tard, continue toujours de vendre les mêmes bougies.
Car au-delà de la procession, cette maman de deux enfants apprécie particulièrement les moments d’échange et de partage que permet ce jour si particulier pour la communauté portugaise. Depuis toute petite, c’est en famille qu’elle a célébré Fátima, dans la joie et la bonne humeur.
On trouve toujours de la place, tout le monde est bienvenu
«Mes parents recevaient de la famille chez nous, d’un peu partout au Luxembourg. Les gens aimaient venir pour cette occasion.» Une tradition qu’elle a poursuivie à son tour, depuis son premier pèlerinage à l’âge de 20 ans.
«On trouve toujours de la place, tout le monde est le bienvenu. Cette fête n’est d’ailleurs pas seulement que pour les Portugais, mais pour tout le monde!», explique-t-elle.
Un moment de recueillement
Voilà donc vingt ans que Fernanda ouvre son garage pour accueillir tous ses proches. Amis, famille… Le lieu peut contenir jusqu’à 40 personnes «parfaitement à l’aise», souligne-t-elle en riant. Cette année, plus d’une vingtaine d’invités ont répondu présents.
«On aime bien se rassembler, mais chacun vit sa foi comme il le veut» : certains prennent ainsi part au pèlerinage, quand d’autres préfèrent rester simplement dans les ruelles. Fernanda, elle, accomplit tout le trajet derrière la statue de Fátima jusqu’au sanctuaire, aux côtés de son époux.
Un moment de «recueillement», qu’elle prend très au sérieux. «Il y a un temps pour la fête, et un autre pour la prière. Quand je fais la procession, j’aime le faire en silence, prier, chanter tout le long. Je demande la bénédiction de Notre-Dame de Fátima», explique-t-elle.

Une journée fatigante, mais qui «fait du bien» à la femme de 45 ans, qui espère que ses enfants entameront à leur tour, le moment venu, cette même tradition familiale.
Celle qui ne manque pas d’aller visiter Fátima régulièrement dans l’année, admet que la ferveur redouble en ce jeudi de l’Ascension : «C’est le partage avec autant de gens qui rend la chose incroyable, unique».
Une tradition qui évolue
Il faut dire que Wiltz attire en moyenne entre 15 000 et 20 000 fidèles pour participer à cet évènement religieux, qui est devenu l’un des rassemblements les plus importants du pays.
Une affluence record, qui joue aussi un peu sur les traditions… Les classiques «grillades» commencent ainsi à disparaître petit à petit, au grand dam de Fernanda, qui ne manque pas de réaliser les siennes dès la veille et d’être sur le pied de grue dès 9 h 30 du matin le jour J.
«Avant, Wiltz était enfumée chaque jeudi de l’Ascension. Avec toutes les interdictions maintenant, cela se perd un peu. Les gens avaient l’habitude de faire leurs grillades le long des routes, mais ce n’est plus possible. Nous, nous le faisons dans le garage», précise-t-elle. Et une fois la procession terminée, place aux sardines grillées et à la «caldo verde», cette soupe incontournable portugaise. De quoi reprendre des forces.
Si Fernanda n’a jamais quitté Wiltz, depuis son arrivée au début des années 1990, elle n’hésite toutefois pas à rendre hommage à Notre-Dame de Fátima aussi au Portugal, lorsqu’elle rend visite à sa famille restée là-bas.
Un passage obligé, avec ses parents et grands-parents. «On monte parfois à trois voitures pour y aller.» Une foi qu’elle aime partager avec ses proches et qu’elle compte bien vivre encore, année après année, au sanctuaire de Notre-Dame de Fátima à Wiltz.
Les origines
«Notre-Dame de Fátima» fait référence aux apparitions de la Vierge Marie à trois petits bergers du village de Fátima, dans le centre du Portugal en 1917 : tous décrivent «une dame vêtue de blanc» qui leur demande de prier. La reconnaissance de ces apparitions mariales par l’Église catholique en 1930 transforme dès lors l’endroit en lieu de pèlerinage pour les fidèles du monde entier.
Et c’est au moment de la Seconde Guerre mondiale, durant l’hiver 1945, que le lien se crée avec le Luxembourg : tandis que Wiltz subit les bombardements allemands, un groupe de paroissiens trouvent refuge dans une cave, et promettent d’ériger un sanctuaire à la Vierge Marie s’ils en réchappent. Sains et saufs, ils construisent le monument en 1951 en l’honneur de Fátima, dont la statue est alors transportée à travers l’Europe.
Le tout premier pèlerinage est lancé en 1968 par la communauté des travailleurs immigrés portugais, et depuis cette époque, le jour de l’Ascension, des milliers de fidèles cheminent de l’église de Niederwiltz jusqu’au sanctuaire sur les hauteurs de la ville.