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À Walferdange, il n’y a pas que les jeunes qui vivent en coloc


Frédérique, Marcel et Pierre partagent leur quotidien depuis plusieurs mois dans cette «colocation».

Pierre et Marcel ont près de soixante ans d’écart, mais vivent ensemble depuis plusieurs mois dans une colocation intergénérationnelle à Walferdange. Une rencontre initiée par l’association «Cohabit’Âge» qui place des étudiants dans des foyers de seniors en demande.

Une tape sur l’épaule. Un sourire aux lèvres. Une complicité malicieuse. Un «je suis très content que tu sois là» glissé à l’oreille. Six décennies les séparent, et pourtant, Marcel et Pierre s’amusent comme deux enfants. Voilà plusieurs mois qu’ils partagent leur quotidien ensemble, dans la maison de Marcel et de son épouse, Frédérique, à Walferdange.

Un changement de vie plutôt radical pour Pierre, qui, a tout juste 20 ans. Le jeune Bordelais a troqué sa vie sous le soleil pour l’avenue John-F.-Kennedy, et son bureau chez Amazon. Il a débarqué au Luxembourg il y a dix mois, cherchant désespérément un endroit pour se loger pour «pas trop cher». Peine perdue. Avec un loyer moyen fixé dans la capitale à 1 500 euros, le jeune analyste a rapidement lâché l’affaire. À seulement un mois du début de son stage, il s’est donc tourné vers l’association “Cohabit’Âge », qui s’occupe de placer des étudiants auprès de personnes âgées (lire encadré).

C’est là que son chemin croise celui de Marcel et Frédérique. Et que le déclic se fait. «L’idée d’accueillir des jeunes chez nous me trottait en tête depuis quelque temps. J’ai rencontré les membres de l’association au salon du Logement et j’ai décidé de nous inscrire. Notre maison a toujours été ouverte, nous avons été famille d’accueil aussi. C’était naturel pour moi de continuer sur cette voie, surtout après le départ de nos enfants», explique Frédérique.

«On partage quelques bières !»

Après quelques entretiens à distance, le bail est scellé : Pierre viendra s’installer chez eux de janvier à mi-juin. «Ça ne me faisait pas peur, j’ai encore tous mes grands-parents, donc le contact est plutôt facile pour moi», glisse le jeune homme avec un sourire. Une solution qui lui apporte également de la simplicité : «C’était ça ou une colocation avec 15 personnes ou devenir frontalier… grimace-t-il. Je n’ai pas trouvé mieux!» Et surtout, un prix battant toute concurrence sur le marché immobilier luxembourgeois : 380 euros par mois, soit deux à trois fois moins cher que le prix standard de location d’une chambre dans le pays.

Pierre n’a donc pas hésité à renouveler son partenariat lorsqu’il est revenu en septembre pour un second stage au Luxembourg. Une présence «rassurante» pour Marcel, qui, à 84 ans, apprécie la jeune compagnie. «On échange, on mange ensemble, on va parfois au restaurant. Lui, il aime le tennis, moi je suis plus football, mais on partage quelques bières quand même !», commente-t-il en riant.

Pierre restera à Walferdange jusqu’au mois de décembre, avant de rentrer chez lui, dans le sud de la France. S’il ne pense pas revenir au Luxembourg, Marcel et Frédérique, eux, sont déjà prêts à accueillir un autre étudiant : ils ont pris goût à la vie en coloc.

Des seniors encore réticents

Le Luxembourg compte à ce jour près de 136 000 seniors, selon les dernières données du Statec. «Si nous pouvions capter ne serait-ce que 10 % de ce chiffre pour notre association, ce serait génial pour les étudiants», ironise Moussa Seck, chargé de direction de l’association Cohabit’Âge.

Depuis 2014, l’ASBL œuvre en faveur du logement intergénérationnel et propose des colocations entre personnes âgées (de plus de 65 ans) et étudiants en recherche de logements au Luxembourg. Pour cette année 2023, 15 nouveaux binômes ont été formés. «Nous avons eu un coup de mou pendant et après la crise du Covid-19. Ça repart tout doucement», explique le chargé de direction.

Mais toutes les personnes âgées ne sont pas comme Marcel et Frédérique : beaucoup ont encore du mal à ouvrir leurs maisons, partager leur intimité avec des jeunes. «Nous avons énormément de demandes d’étudiants, mais beaucoup moins du côté des seniors. Pourtant, beaucoup souffrent de la solitude. Ce type de colocation peut clairement être un moyen alternatif à la maison de retraite», insiste Moussa Seck.

Attention toutefois : l’objectif n’est pas que l’étudiant se substitue à un aide-soignant ou un infirmier. L’ASBL ne sélectionne pas toutes les personnes âgées qui désirent héberger un étudiant. Il faut qu’elles soient suffisamment autonomes. Pour l’association, un étudiant ne doit pas faire plus que ce qu’il ferait pour l’un de ses grands-parents. Il peut rendre service, mais cela ne doit pas devenir une charge qui l’empêcherait de se concentrer sur ses études.

«Le logement est mis à la disposition de l’étudiant durant en moyenne neuf mois, même si en général les cohabitations s’étalent plutôt sur trois ans, poursuit le chargé de direction. Tout se passe bien en général, nous n’avons jamais eu de cas de vol, par exemple, et tout le monde en ressort enrichi.»