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À Davos, le président de PwC se défend de favoriser l’évasion fiscale


Les scandales d'évasion fiscale se sont multipliés ces dernières années, au point que le débat s'est même instauré à Davos. (photo AFP)

Les révélations récurrentes sur l’optimisation fiscale des grandes entreprises ont sans doute contribué à alimenter la colère des classes populaires. Si l’élite économique mondiale veut renouer avec elles, elle doit jouer la transparence fiscale, ont asséné plusieurs participants à Davos.

« Non, nous ne favorisons pas l’évasion fiscale », a répondu sèchement Bob Moritz, président de PricewaterhouseCoopers (PwC), à un journaliste allemand qui lui demandait si son groupe d’audit et de conseil « ne contribuait pas lui aussi à la hausse du populisme » avec ses opérations d’optimisation fiscale.

Le scandale des « Luxleaks », révélé par les deux anciens employés de PWC à Luxembourg, Antoine Deltour et Raphaël Halet, a ainsi rattrapé Bob Moritz à Davos en pleine présentation en direct d’une enquête sur le moral des dirigeants d’entreprises à l’échelon mondial.

Après les « Luxleaks », les « Panama Papers » et plus récemment les « Football Leaks », les scandales d’évasion fiscale se sont multipliés ces dernières années, au point que le débat s’est même instauré au WEF, la Mecque du libéralisme.

« Ici, à Davos, la majorité de ceux qui nous écoutent sont des entreprises. Et si elles nous appuient, cela rendra les choses plus faciles », a expliqué le secrétaire général de l’OCDE Angel Gurria, son organisation étant en pointe contre l’optimisation fiscale.

Son message aux grandes sociétés internationales était très direct: « Vous devez payer les taxes, là où vous générez les bénéfices », a-t-il affirmé, lançant un avertissement aux participants au Forum: « Aujourd’hui, le niveau de tolérance (avec l’évasion fiscale) a baissé de manière spectaculaire. À cause de la crise, mais aussi parce que les Etats ont besoin d’argent », a-t-il prévenu.

« Imposition sans frontière »

« Le temps où les multinationales faisaient ce qu’elles voulaient est révolu », a déclaré le commissaire européen Pierre Moscovici à Davos. « La révolution de la transparence fiscale est en marche », a-t-il assuré.

Les Etats ont, eux aussi, profité de Davos pour exiger des grands groupes le paiement de leurs impôts. « Nous devons nous attaquer à ce problème de manière plus décidée et plus rapide », a exigé Mateusz Morawiecki, le vice-premier ministre polonais, lors d’un débat intitulé « imposition sans frontière ».

« Les pays comme le mien, ainsi que les émergents sont en train de prendre de grandes quantités d’argent », a-t-il dénoncé, insistant lui aussi sur le malaise provoqué au sein de la population par l’évitement de l’impôt.

Un rapport de l’ONG Oxfam publié juste avant l’ouverture du forum dénoncait « comment les grandes entreprises et les individus les plus riches exacerbent les inégalités, en exploitant un système économique défaillant, en éludant l’impôt, en réduisant les salaires et en maximisant les revenus des actionnaires ».

À Davos, la directrice exécutive d’Oxfam, Winnie Byanyima, a lancé un avertissement. « Quand les entreprises évitent de payer leurs impôts, elles retirent aux gouvernements les revenus nécessaires pour des investissements, pour l’éducation de leur propre main-d’oeuvre. En fait, elle se tirent une balle dans le pied », a-t-elle expliqué.

Eclaboussé par le scandale des « Panama Papers », le ministre de l’Economie du pays latino-américain, Dulcidio De la Guardia, s’est rendu à Davos pour présenter les dispositions prises depuis par son pays. « Mais en dépit de tout ce qu’a déjà fait le Panama, nous avons encore beaucoup de travail pour changer notre image de paradis fiscal », a-t-il admis, lors d’un entretien à l’AFP.

Concurrence fiscale

Egalement présent à Davos, le ministre français de l’Economie, Michel Sapin, a lancé un avertissement aux pays qui seraient tentés par le « dumping fiscal » pour attirer ses entreprises, en réponse à la promesse de Donald Trump d’abaisser fortement les impôts sur les sociétés ou encore la menace de Theresa May de fixer des taux d’imposition compétitifs si l’UE voulait lui imposer « un accord punitif » sur le Brexit.

« Je déconseillerais à toute grande puissance de rentrer dans une guerre à l’impôt le plus bas possible », a affirmé le ministre français, soulignant que ce « dumping fiscal » priverait ces pays « des ressources nécessaires pour ces Etats pour justement assumer leurs caractéristiques de grandes puissances ».

Le Quotidien / AFP