À la barre de la chambre criminelle de Luxembourg lundi, l’ex-instituteur de Bissen a contesté avoir commis des attouchements. Tout ce qu’il reconnaît, c’est d’avoir filmé des élèves nus.
« Je suis terriblement désolé de ce qui s’est passé. Les enfants n’avaient pas mérité cela. J’aimerais m’excuser formellement. Je vous jure que cela ne va pas se reproduire… » La 9e chambre criminelle avait décidé de laisser parler librement l’ex-instituteur de Bissen avant de l’interroger. «Est-ce que vous êtes conscient que vous avez un problème?», aura été la première question lancée par la présidente. On se souvient de la conclusion livrée par l’expert en neuropsychiatrie à l’ouverture du procès en novembre : «On peut le considérer comme pédophile.» Le spécialiste avait, par ailleurs, parlé d’un «pronostic réservé».
Le prévenu, âgé aujourd’hui de 42 ans, est non seulement poursuivi pour avoir commis des attentats à la pudeur sur des élèves, mais aussi pour avoir filmé les enfants dans les vestiaires notamment. Si les premiers faits reprochés remontent à l’année 2003 – à l’époque, lors d’une excursion à Hollenfels, il aurait déjà filmé les enfants en train de prendre leur douche – les derniers se situent en 2015. D’autres incidents auraient eu lieu en 2007 et 2009. De nouveau lors de colonies.
«Cela m’a attiré de voir les enfants en entier. J’ai profité de la situation pour les filmer», a expliqué lundi après-midi le prévenu. Des films qu’il aurait toutefois immédiatement effacés après les avoir regardés. «Cela ne m’a pas intéressé», a-t-il assuré. Et d’insister : «Je n’ai jamais commis un quelconque attouchement sur un enfant.»
Le quadragénaire, qui s’est qualifié aussi de «personne de confiance» auprès des élèves, prétend ne jamais avoir eu un geste mal intentionné. «Une tape sur l’épaule», par exemple, cela aurait été un geste d’encouragement, rien de plus.
« Il y avait bien un intérêt sexuel… »
La chambre criminelle n’a pas lâché prise. Extraits : «Si vous filmiez les parties intimes, il y avait bien un intérêt sexuel…
– Je pensais que cela m’intéressait plus que cela. Mais cela m’a laissé froid.
– Mais vous avez recommencé!
– Je n’ai pas d’explication…»
Jusqu’au bout de son audition à la barre, il persistera : «Jamais je n’ai touché les parties intimes d’un enfant.»
Avant d’être placé sous contrôle judiciaire, l’instituteur titulaire d’une classe du troisième cycle suspendu a passé un certain temps en détention préventive, une période où il aurait été qualifié par des codétenus d’abuseur d’enfants. «Après tout ce que j’ai vécu, je suis guéri», estime le prévenu.
Le quadragénaire avait commencé à travailler comme enseignant en 2000, soit trois ans avant le premier fait qu’on lui reproche aujourd’hui. L’élément déclencheur, d’après le prévenu, «c’est la caméra» qu’il avait acquise à l’époque. «Et entre 2003 et 2007, rien ne s’est passé?», a creusé la représentante du parquet. Sa réponse : «Là, aucune occasion ne s’est présentée.»
«Les filles étaient ses chouchoutes»
«Je n’ai toujours pas entendu de sa part qu’il se sent attiré sexuellement par les enfants. Un long chemin l’attend», a conclu l’expert en neuropsychiatrie présent dans la salle lundi.
En début d’audience, la chambre criminelle avait entendu le psychiatre que le prévenu consulte depuis plus de deux ans. Fin octobre 2018, il avait délivré à la demande du prévenu un certificat médical : «Il s’implique de manière autocritique dans le processus thérapeutique entamé (…). Il se distance de tout scénario de récidive.» Si le praticien a confirmé lundi cette «évolution favorable», il s’est dit toutefois incapable en tant que médecin traitant de formuler un pronostic fiable.
Le parquet retiendra que le psychiatre s’est essentiellement focalisé sur les problèmes de personnalité (anxiété et stress) du prévenu. Il le suivrait comme patient, pas comme une personne qui est soumise à une obligation de soins. Cet après-midi, après les plaidoiries de la défense, le parquet présentera son réquisitoire.
Dans cette affaire, il y a eu des constitutions de parties civiles pour sept enfants. Au total, près de 107 500 euros de dommages et intérêts ont été réclamés pour les victimes et leurs parents. Lundi, une victime a également décidé de sortir du silence. La jeune femme, âgée de 24 ans, a témoigné comment il y a 15 ans l’instituteur l’avait caressée dans le dos en passant la main sous son t-shirt alors qu’elle se trouvait sur ses genoux. Et à Hollenfels, elle aurait été filmée dans les douches. «Les filles étaient ses chouchoutes», a-t-elle ajouté.