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Tax rulings : le cas de Fiat devant la justice européenne


En octobre 2015, la Commission européenne avait publié ce schéma montrant la façon dont Fiat Finance and Trade bénéficiait, selon elle, d'un avantage fiscal illégal lui permettant de minimiser artificiellement ses impôts. (Infographie : Commission européenne)

Ce jeudi, le tribunal de l’Union européenne entendra les arguments du gouvernement luxembourgeois qui conteste la décision de la Commission lui enjoignant de récupérer 20 à 30 millions d’euros d’impôts auprès de Fiat.

Les avantages fiscaux accordés par le Luxembourg à Fiat constituent-ils des aides d’État incompatibles avec le marché intérieur ? C’est la question que doit trancher le Tribunal de l’Union européenne, saisi par le gouvernement luxembourgeois qui conteste la décision de Bruxelles, demandant à l’administration fiscale de récupérer entre 20 et 30 millions d’euros d’impôts impayés auprès de Fiat. En cause : un tax ruling accordé en 2012 par le fisc luxembourgeois à la société de financement intragroupe du constructeur automobile, Fiat Finance and Trade, basée au Grand-Duché.

Fiat Finance and Trade proposait divers services financier à d’autres entreprises du groupe automobile en Europe, particulièrement des prêts.

Le couperet de la Commission européenne était tombé en octobre 2015 après une enquête approfondie débutée en 2014. «La Commission est parvenue à la conclusion que le Luxembourg a accordé des avantages fiscaux sélectifs à la société de trésorerie de Fiat», écrivait l’exécutif européen  dans un communiqué daté du 21 octobre 2015, ajoutant que cela avait «réduit artificiellement l’impôt payé par l’entreprise».

Enquêtes depuis 2013

Constatant que le tax ruling, ou rescrit fiscal, accordé à Fiat  n’avait pas tenu compte de la «réalité économique», Bruxelles avait jugé que la filiale luxembourgeoise du  constructeur transalpin avait payé des impôts «sur des bénéfices sous-estimés». La Commission estime qu’entre 2012 et 2015, Fiat avait ainsi minoré ses impôts de 20 à 30 millions d’euros.

Du point de vue du gouvernement luxembourgeois, la Commission n’a pas apporté la preuve que ce rescrit fiscal constituait un avantage sélectif et une «restriction de la concurrence» en faveur de Fiat. Dans la plaidoirie qu’ils développeront jeudi, les avocats du gouvernement estime en outre qu’en exigeant le remboursement par le groupe automobile de plusieurs dizaines de millions d’euros, la Commission agit «en méconnaissance du principe de sécurité juridique et des droits de la défense».

La Commission enquête sur les pratiques des États membres en matière d’avantages fiscaux depuis juin 2013. Ces investigations menées par les services de la Commissaire en charge de la concurrence, Margrethe Vestager, ont conduit Bruxelles à exiger du Luxembourg, des Pays-Bas, de la Belgique et de l’Irlande qu’ils récupèrent des avantages fiscaux jugés illégaux et qualifiés d’aides d’État incompatibles avec le marché intérieur.

Les 13 milliards d’Apple en Irlande

Le cas le plus spectaculaire concerne les activités d’Apple en Irlande, la Commission demandant à l’administration de récupérer 13 milliards d’euros impayés auprès du géant américain du numérique.

La Luxembourg a également été condamné à récupérer 250 millions d’euros auprès d’Amazon dont le siège européen est domicilié au Grand-Duché. Le gouvernement a également fait appel de cette décision.

Le Luxembourg est également dans le viseur de la Commission pour des tax rulings accordés à une filiale luxembourgeoise du groupe énergétique Engie, dont l’État français est le premier actionnaire, ainsi qu’à une filiale de McDonald’s sur laquelle l’enquête se poursuit.

La pratique luxembourgeoise des tax rulings, des décisions fiscales anticipées négociées entre le fisc et des intermédiaires pour le compte de multinationales, était au centre du scandale LuxLeaks, révélant d’énormes rabais fiscaux.

Dans les cas d’Amazon, Fiat et Engie, le Luxembourg pourrait récupérer plus de 300 millions d’euros cumulés, une somme dont il ne veut cependant pas, affirmant que les tax rulings dont ont bénéficié ces sociétés étaient conformes au droit national et européen.

Fabien Grasser