Carton plein pour la deuxième édition de la «Journée handicap et reclassement professionnel» de l’Adem, mardi à Luxembourg. Candidats et recruteurs expliquent pourquoi cette nouvelle formule les séduit.
Après une première édition couronnée de succès à Dudelange en 2023, l’Agence pour le développement de l’emploi (Adem) rempilait hier pour une nouvelle «Journée handicap et reclassement professionnel», organisée cette fois au Parc Hotel Alvisse de Dommeldange. Vingt-cinq entreprises issues de secteurs aussi divers que l’hôtellerie-restauration, l’industrie ou encore l’IT ont reçu en entretien plus de 1 500 candidats en quelques heures à peine, avec 120 postes à la clé.
Une formule qui séduit à la fois les employeurs, confrontés à de sérieuses pénuries de main-d’œuvre, et les demandeurs d’emploi, rassurés de constater que, pour une fois, leur handicap est relégué au second plan au profit de leurs compétences et de leur motivation.
Comme en témoigne Fedir, 30 ans : «Je trouve ce concept très utile. Ici, les employeurs recherchent justement des gens comme moi, donc ça facilite les échanges, c’est beaucoup plus confortable», confie ce jeune malvoyant, déplorant que, dans les salons de recrutement habituels, son CV soit systématiquement mis de côté. Réfugié ukrainien, il cumule les difficultés, mais s’accroche. «J’essaye de trouver n’importe quel job en réalité, car mes diplômes ne sont pas reconnus et je ne parle pas français, ce qui complique encore les choses.»
«Des profils réellement différents»
Sa personnalité pourrait bien faire la différence auprès des responsables du recrutement, sensibles à ces travailleurs atypiques. «Pour nous, c’est évident d’être présents, car cela nous permet de rencontrer des profils réellement différents de ceux avec lesquels on est en contact normalement», explique Federico Aureggi, HR Operations Manager chez Satispay Europe.
Celui qui espère renforcer au plus vite son équipe, notamment dans le domaine de la compliance, dit avoir déjà repéré plusieurs candidats intéressants. Il souligne au passage le rôle déterminant de l’Adem : «Le fait d’être informés et accompagnés dans l’accueil d’un salarié handicapé est vraiment appréciable.»
Sa pochette de CV sous le bras, Ricardo enchaîne les entrevues. À 46 ans, cet ancien contrôleur qualité chez Guardian Automotive est en reclassement externe. «J’ai eu un gros problème de santé. Impossible de poursuivre mon métier après ça, trop d’efforts physiques. J’ai suivi des formations en digital marketing et project management en vue d’une reconversion», raconte-t-il, en recherche d’emploi depuis deux ans maintenant. «C’est pas évident.»
Ici, les employeurs recherchent justement des gens comme moi
Alors qu’il a participé à de nombreux jobdays et distribué des dizaines de CV sans résultat, aujourd’hui, il veut y croire : «Ça me redonne espoir, car ces entreprises sont ouvertes à nos besoins.» Cependant, il y a encore des efforts à faire pour mettre véritablement sur la touche la question du handicap : «J’ai parlé à certains employeurs qui restent fixés sur les fiches de poste, sans s’intéresser d’abord à ce qu’on peut leur apporter», pointe-t-il, ajoutant que d’autres se montrent au contraire très ouverts.
Pour Anna, 53 ans, le jobday est une grande première. Malheureusement, cette mère de famille en a fait rapidement le tour : «Le travail sur écran est nécessaire dans la plupart des offres d’emploi, ce qui est impossible pour moi», se désole-t-elle. Pas de quoi décourager cette battante, dont la vie a basculé en 2021. «J’ai dû affronter une longue période de maladie. Éjectée du système social, j’ai perdu mon travail. Il a fallu apprendre à se réadapter, puis obtenir le statut de salarié handicapé. C’est tout un chemin», souffle-t-elle.
À cause de séquelles au niveau cognitif, l’ex-employée dans la finance n’a pas d’autre choix que de se réorienter. Se concentrer, interpréter des informations ou simplement parler lui demande désormais plus d’efforts. Impatiente de retrouver une activité professionnelle, elle confesse que sa situation devient critique : «Je suis mère célibataire, mes droits au chômage arrivent à échéance et je dois payer mes factures. C’est stressant.»
Des parcours de vie qui touchent particulièrement Tania Passos, patronne du restaurant Nanban à Luxembourg. Elle en est convaincue : «Il y a de la place pour tout le monde et, avec de la volonté, on peut réaliser des tas de choses», lance-t-elle, insistant sur son envie de «contribuer à l’inclusion professionnelle». Ainsi, elle a déjà prévu de s’adapter au maximum aux besoins de la personne qui sera recrutée : «On est ouverts pour offrir des conditions de travail qui correspondent aux possibilités du candidat.»
Une opération 100 % gagnante pour cette entrepreneuse, régulièrement confrontée à des demandeurs d’emploi sans aucun handicap, mais qui ne montrent pas d’intérêt pour le job. «C’est clairement la motivation qu’on privilégie pour embaucher. Et les candidats qu’on a rencontrés aujourd’hui n’en manquent pas!»