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Calculettes et paix sociale

En rendant publics, mercredi, les chiffres de l’inflation du mois d’août, le Statec a laissé entendre qu’une tranche indiciaire pourrait être déclenchée avant la fin de l’année et non début 2017, comme pressenti. Les salariés pourraient ainsi voir leurs salaires augmenter de 2,5% en raison d’une hausse des prix de la même valeur. Il s’agit donc moins d’un gain de pouvoir d’achat que d’un alignement de celui-ci sur le coût réel de la vie. Une bonne nouvelle, d’autant que le versement du dernier «index», comme est communément appelé ce dispositif, date d’octobre 2013… une éternité diront certains.

Lundi, lors de la célébration au Luxembourg de la fête américaine du Travail, le président de l’OGBL, André Roeltgen, avait placé le paiement imminent d’une tranche indiciaire au premier rang des doléances de son syndicat. Mais les sourcilleux objecteront qu’une telle chose ne se commande pas, qu’elle répond à une loi purement mathématique liée à la hausse des prix. C’est certes vrai, mais il est tout aussi exact que les vertus de l’ «index» ne se résument pas à une simple formule mathématique. En 2013, une large frange du patronat le jugeait nuisible aux affaires, les syndicats rappelant pour leur part qu’il est un instrument d’équité sociale. Suspecté d’être partisan de sa suppression lors de la campagne des législatives de 2013, l’actuel vice-président du gouvernement, le socialiste Étienne Schneider, avait alors résumé les choses ainsi dans Le Quotidien : «La moitié des salariés du pays travaillent dans des entreprises sans convention collective et l’index est souvent le seul avantage dont ils disposent. Si on le supprime, on va encore creuser les inégalités. L’index est un garant de la paix sociale.» Profondément humains, les fondements de la paix sociale sont irréductibles à une formule mathématique.

Cela dit, tous ceux qui pensent pouvoir régir la société à la seule aune de leur calculette pourront toujours se reporter au taux de croissance de 4,8% du PIB enregistré par le pays en 2015. Ou se plonger dans les prévisions du FMI tablant sur une hausse du PIB par habitant de 3% en 2016. Des chiffres à faire pâlir d’envie tous les partenaires européens du Grand-Duché. Et qui parlent d’eux-mêmes : les salariés du pays produisent une richesse suffisamment considérable pour concilier algèbre et justice sociale.

Fabien Grasser (fgrasser@lequotidien.lu)