Estimant qu’il faudrait un «miracle» pour finaliser d’ici décembre le TTIP, le ministre des Affaires étrangères préfère se concentrer sur l’accord de libre-échange avec le Canada.
Mis sous pression par ses collègues socialistes allemand et français, Jean Asselborn ne compte pas rompre à son tour les ponts avec les États-Unis dans la tentative d’établir un accord de libre-échange. Mais le chef de la diplomatie luxembourgeoise estime que sans concessions du camp américain, un accord sera très difficile à obtenir. En attendant, il serait très important de conclure le «meilleur accord possible» avec le Canada, en rien comparable avec le TTIP, selon Jean Asselborn.
Le ministre luxembourgeois des Affaires étrangères aurait très bien pu se passer des derniers rebondissements dans le dossier du TTIP. Désigné négociateur en chef du Luxembourg pour les accords de libre-échange, Jean Asselborn a déjà un agenda très chargé avec ses obligations en tant que chef de la diplomatie luxembourgeoise. Mais les constats d’échec dressés dimanche et mardi par ses collègues socialistes allemand et français ont changé la donne. Jean Asselborn ne perd pour autant pas son sang-froid.
Joint mercredi avant qu’il ne mette le cap sur Paris, le ministre des Affaires étrangères a tout d’abord tenu à remettre dans leur contexte les sorties du vice-chancelier allemand et du président français. «Les déclarations de Sigmar Gabriel sont à voir dans le contexte de la concurrence entre le SPD et la CDU (NDLR : parti de la chancelière Angela Markel) au niveau du gouvernement fédéral. Je n’ai pas à commenter cela. Mais sa sortie ne m’étonne pas. Il est connu que Sigmar Gabriel est un grand partisan du CETA. Il devra d’ailleurs obtenir le feu vert de la base de son parti lors d’un congrès extraordinaire en septembre. Il s’agit donc de faire repencher la balance pour obtenir le soutien des délégués», analyse le ministre.
«En France, les déclarations du président Hollande sont bien moins radicales. Je suis d’accord avec lui pour dire qu’on ne parviendra pas à un accord final sur le TTIP d’ici la fin de l’année 2016. Il ne s’agit pas d’une option réaliste, enchaîne Jean Asselborn. On a besoin d’un miracle si on compte trouver un accord sur le TTIP avant la fin du mandat du président Obama.» Le camp américain devra faire des concessions et accepter les standards solidement ancrés dans le CETA, accord que l’UE compte finaliser d’ici octobre avec le Canada.
«Le Parlement européen aura le dernier mot»
Malgré les récentes sorties de ténors politiques de deux de nos pays voisins, le gouvernement luxembourgourgeois n’estime donc pas qu’il est nécessaire de revoir sa position dans ces deux dossiers brûlants. «Désormais, il nous faut tout miser sur le CETA afin d’obtenir le meilleur accord possible», insiste Jean Asselborn. L’accord de libre-échange entre l’UE et le Canada serait important pour le Luxembourg.
«Il ne faut pas oublier que le Luxembourg ne vit pas de ses exportations de produits et de services dans la Grande Région, mais bien des exportations sur le marché mondial. Il est préférable qu’on soit impliqués dans la définition des futures règles du jeu au lieu de se les laisser imposer par d’autres pays comme la Chine», fait remarquer le ministre des Affaires étrangères.
Jean Asselborn tient également à disperser toutes les craintes concernant un manque de transparence et de démocratie concernant le CETA. «Les deux accords ne sont pas comparables. Les standards retenus sont très élevés. Et il est clair que le Parlement européen aura le dernier mot. Sans l’accord de Strasbourg, le CETA ne va pas pouvoir entrer en vigueur», conclut un ministre qui va devoir affronter le 22 septembre les députés avant de mettre le cap sur Bratislava, où l’orientation future des accords de libre-échange que compte conclure l’UE va être ancrée.
David Marques