Les discussions tendues entre le nouveau gouvernement grec et la zone euro sur une extension temporaire du soutien financier européen ont fait resurgir les débats sur une sortie de la Grèce de la zone euro, ou « Grexit » (acronyme anglais de « Greece » et « exit »). Quels en sont les principaux enjeux ?
En cas de sortie de la zone euro, la Grèce ferait défaut sur sa dette et n’aurait plus accès aux marchés financiers. (Photos : AFP)
> Une sortie de la Grèce de la zone euro est-elle possible ?
La Commission européenne insiste sur le fait que l’appartenance d’un pays à l’union monétaire est « irrévocable », en s’appuyant sur les Traités européens. Mais « même s’il n’y a pas de clause » prévoyant qu’un pays quitte la zone euro, « il reste possible de trouver une construction juridique » qui le permette, estime Janis Emmanouilidis, du centre de réflexion European Policy Center. Une sortie de la zone euro pourrait passer par une sortie de l’Union européenne, possibilité qui, elle, est envisagée par les Traités.
Plus concrètement, selon un scénario évoqué par l’Institut Jacques Delors et ouvertement discuté en Allemagne, si Athènes ne remplissait plus ses engagements, la zone euro et la Banque centrale européenne (BCE) auraient les moyens de forcer la sortie en restreignant les possibilités de refinancement des banques grecques, contraignant ainsi Athènes à introduire une monnaie parallèle. Pour l’instant, ce scénario n’est pas de mise.
La BCE a prolongé mercredi et pour deux semaines le mécanisme de prêts d’urgence qui maintient en vie les banques grecques. L’Institut Jacques Delors envisage deux autres scénarios :
1) Une décision volontaire de la Grèce d’émettre sa propre monnaie, dévaluée par rapport à l’euro, pour pouvoir financer la politique sociale et anti-austéritaire promise par le nouveau Premier ministre de gauche radicale Alexis Tsipras, élu fin janvier. Mais les Grecs continuent de soutenir majoritairement l’appartenance à l’euro. Et un tel scénario ne fait pas partie du programme du Syriza.
2) Une sortie de l’euro « par accident », après une panique bancaire qui conduirait à des retraits massifs de fonds et à l’imposition d’un contrôle des capitaux pour prévenir une hémorragie, et enfin à l’émission d’une devise parallèle.
> Quelles seraient les conséquences pour la Grèce ?
La Grèce ferait défaut sur sa dette et n’aurait plus accès aux marchés financiers. Le pays, très dépendant d’importations qui se renchériraient considérablement, serait à la merci des « fonds vautours », ou contrainte de se faire renflouer par des pays comme la Chine ou la Russie, ce qui changerait la donne géopolitique en Europe. Mais elle serait aussi libre de dévaluer sa monnaie. L’ancien président français Valéry Giscard d’Estaing juge que l’économie grecque ne peut se redresser sans une monnaie dévaluée, donc hors euro.
> Quelles seraient les conséquences pour la zone euro ?
De nombreux analystes estiment qu’elles seraient moins néfastes que si la Grèce était sortie de l’union monétaire au plus fort de la crise en 2012, car la zone euro a, depuis, mis en place un fonds de secours, le Mécanisme européen de stabilité, et la BCE continue de veiller pour protéger la monnaie unique.
Mais une sortie de la Grèce resterait coûteuse pour les états qui détiennent de la dette grecque et devraient effacer leurs créances. Et un effet domino n’est pas à exclure. « Quand des familles portugaises ou des entreprises espagnoles verront comment des euros se transforment en drachmes, ils retireront l’argent de leur compte et cela pourrait entraîner un assaut sur les banques » a écrit l’économiste américain Barry Eichengreen, dans Die Welt le week-end dernier.
Matthieu Pigasse de la banque Lazard, qui a conseillé le gouvernement grec, estime pour sa part « qu’un pays, même petit, sorte de la zone euro, et ce serait la fin de la monnaie unique », dans son récent ouvrage Éloge de l’anormalité (2015, Flammarion).
AFP
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