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Cyril Dion, misssionnaire de l’écologie de « Demain »


Cyril Dion a coréalisé le documentaire "Demain" avec Mélanie Laurent. (photo AFP)

Rencontre avec Cyril Dion, missionnaire de l’écologie avec le documentaire Demain, la bonne surprise de 2016.

Attirer dans les salles, en France, plus d’un million de spectateurs grâce à un documentaire sur la production d’énergie, la gestion des déchets et l’agro-écologie : avec Demain , Cyril Dion a réussi un tour de force et donné à l’écologie un écho inattendu. « Inattendu oui, mais pas inespéré », dit-il, car « c’était mon obsession de faire un film populaire ». Pari réussi et couronné en février par le César du meilleur documentaire.

Le fil conducteur : des solutions qui marchent à Copenhague, San Francisco, Detroit, en Inde, en Angleterre, en France. Signe particulier  : elles sont lancées au niveau local et avec un enthousiasme qui crève l’écran. Début juillet, Cyril Dion a terminé à Londres une tournée dans quelque 80 villes avec des projections qui se terminaient souvent par « des standing ovations» et même «des gens qui pleuraient ». « Au départ, c’était bouleversant », raconte-t-il. « Puis ça m’a fait peur, les gens avaient des attentes disproportionnées. »

Les droits ont été achetés dans 30  pays, mais pas aux États-Unis et au Royaume-Uni. D’une voix douce mais déterminée, le trentenaire barbu explique : « Il faut arrêter de dissocier l’environnement, l’économie, la démocratie, et avoir une approche globale qui suppose que chacun trouve sa place et joue un rôle. » Cette approche renvoie à la pensée de Pierre Rabhi, l’essayiste et apôtre d’une agriculture locale et sans pesticides, une rencontre déterminante pour Cyril Dion.

Être moins «spectateurs»

En 2002, le jeune homme interviewe le Gandhi ardéchois, alors candidat à la présidentielle : « Je me demandais vraiment qui était cet homme en bretelles et sandales qui avait un langage complètement différent des autres. » À l’époque, ce comédien de formation travaillait pour la fondation Hommes de parole, engagée dans le dialogue inter-religieux. En 2006, il la quitte pour créer autour de Pierre Rabhi le mouvement citoyen Colibris, qui s’est d’abord appelé «Mouvement pour la terre et l’humanisme».

L’homme devient aussi éditeur chez Actes Sud (collection Domaine du possible) et journaliste en fondant le magazine alternatif Kaizen . Creusant le sillon d’une société moins tournée vers la consommation, moins individualiste et plus responsable vis-à-vis des générations futures. L’écriture de Demain débute en 2010. « Je voulais m’adresser à un public plus large » que le cercle des convaincus, confie Cyril Dion.

Mais à trop courir de lièvres à la fois, ce père de deux enfants s’épuise. S’ensuit un break de plusieurs mois, puis le départ de Colibris et de la direction de Kaizen, et la décision de s’associer avec l’actrice engagée Mélanie Laurent pour réaliser le film. Aujourd’hui, fort du succès rencontré, il veut rester derrière la caméra où il se sent à sa « juste place ». La politique? « On me l’a proposé plusieurs fois, j’ai toujours dit non », explique ce soutien de Nicolas Hulot.

Il discute actuellement avec France Télévisions, coproducteur de Demain , d’une série de 52 minutes qui prolongerait le documentaire. Depuis sa maison à Dreux, l’ex-Parisien planche aussi sur « une fiction d’anticipation pour imaginer comment les gens pourraient se mobiliser dans les 20 ans à venir pour renverser la vapeur ». En attendant, il a arrêté de manger de la viande, fait son potager et son compost. « J’achète davantage de vêtements « made in France » ou en coton bio et j’ai envie d’aller plus loin sur les déchets, de les diminuer drastiquement. »

Mais « les petits gestes du quotidien sont insuffisants pour changer radicalement la société », prévient-il, appelant chacun à s’interroger sur « le métier que l’on fait, les entreprises pour lesquelles on travaille avec parfois un manque de sens qui est terrible». Ce qu’il voudrait, c’est que les citoyens, comme dans Demain , soient moins « spectateurs» car trop souvent, « on râle, on proteste mais on continue à faire marcher le système ». «Il faut se rappeler que la démocratie, ce n’est pas simplement le bulletin de vote, c’est aussi tous les choix que l’on fait constamment ».

Le Quotidien / AFP