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Vacances européennes

Le tourisme de masse a parfois du bon : il permet de mieux saisir l’air du temps, à défaut de vraiment profiter de l’instant. En Grèce, par exemple, sur l’île de Kos, mais il en est d’autres bien semblables, une simple sortie en mer est un reflet fascinant de notre époque.

Au milieu de la mer Égée, ce peuple de marins que sont les Grecs n’a plus le droit d’utiliser les voiles de ses bateaux pour transporter des touristes. En cause, une décision de l’Europe relative à la sécurité des passagers des voiliers. Alors, les beaux deux-mâts qui transportent chacun une quarantaine de personnes y vont de leurs bruyants et polluants moteurs, au milieu de la mer Méditerranée. Le touriste est rassuré, l’Europe aussi. La nature un peu moins, mais la sécurité passe avant tout. À moins qu’il ne s’agisse des comptes des compagnies d’assurances.

L’Europe devrait peut-être placer ses priorités ailleurs, comme, par exemple, dans sa volonté de créer une citoyenneté partagée. Car à Kos, quand les bateaux larguent les amarres, ils ont au préalable pris le soin de trier au mieux leurs passagers. Il serait dommage qu’un Allemand monte aux côtés d’un Français, on ne sait jamais. Si les embarcations battent toutes pavillon grec, elles parlent chacune une langue différente.

Au lieu de faire de ces vacances d’utopiques tours de Babel, on cloisonne les touristes au mieux, dans les hôtels comme dans les bateaux. Parfois, le hasard égare un Italien chez les Grecs, ou un Suédois chez les Allemands. Et que se passe-t-il? Rien de vraiment grave. Ils discutent, se découvrent et partagent cette culture européenne commune justement née dans le Péloponnèse, de l’autre côté de la mer Égée.

La recette était pourtant assez simple, au fond, pour éviter que les Anglais se sentent seuls en Europe. Il aurait peut-être suffi de leur faire partager ces instants de convivialité qui naissent des rencontres fortuites sous les latitudes étrangères, plutôt que ces lancinantes conversations sur des problèmes propres à chaque nation européenne qui bruissaient des bateaux grecs.

Christophe Chohin