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Putain de camion

L’attentat correspond «très exactement aux appels permanents au meurtre» des jihadistes : ces quelques mots du procureur de Paris, François Molins, vendredi, est le seul indice faisant, pour l’instant, le lien entre la tragédie de Nice et une éventuelle attaque islamiste. C’est mince. Le conducteur du camion qui a semé la mort jeudi soir n’est pas connu des services de renseignement pour son appartenance à une mouvance islamiste ou sa radicalisation. Tout juste sait-on qu’il était irascible, connu par la justice pour des faits de violence. Certes il y a la symbolique forte de la date de la fête nationale française, choisie par ce Tunisien pour commettre un forfait prémédité. Mais cela ne signifie toujours pas qu’il ait agi, sur ordre ou en «loup solitaire», pour servir une cause obscurantiste. Rien, à ce stade de l’enquête, n’indique qu’il ne s’agissait pas d’un déséquilibré, d’une brute épaisse qui a «pété les plombs».

Pourtant, dès jeudi soir, dirigeants politiques français et internationaux ont rapidement évoqué la piste de l’État islamique dont les soldats perdus ont tant meurtri l’Hexagone en 2015.

Lorsque François Hollande lance qu’il n’y a pas de doute sur la nature terroriste de l’attaque et que Valls déclare sans étayer ses propos que l’auteur de la tuerie est lié à l’islamisme radical, c’est d’abord leur politique qu’ils défendent. Lorsque la droite dénonce le laxisme du pouvoir et indirectement les musulmans de France, elle est de mauvaise foi et vient jeter de l’huile sur un feu communautaire qu’elle a grandement contribué à allumer quand Sarkozy était au pouvoir. Quant au Front national, la violence islamiste lui est tellement utile pour étancher sa soif de pouvoir qu’il s’est vautré dans ses habituels bas instincts racistes.

Instrumentaliser une tragédie de cette ampleur pour des motifs électoraux est insoutenable. C’est exprimer un mépris profond des victimes et des familles endeuillées. C’est mentir à un peuple entier. À ce jour, la seule vérité qui tienne est celle de dizaines de vies d’enfants, de femmes et d’hommes, fauchées par un type odieux au volant d’un «putain de camion».

Fabien Grasser (fgrasser@lequotidien.lu)

Un commentaire

  1. Fabien, je ne vois pas en quoi Hollande et Valls défendent leur politique en affirmant qu’il n’y a pas de doute sur la nature terroriste de l’attaque…
    Au contraire, cela ferait plutôt leur affaire s’il s’agissait d’un acte isolé, perpétré par un « indépendant » indétectable par les services de renseignement.
    Si le lien avec EI est avéré, c’est la faillite complète de leur politique sécuritaire. S’il s’agit d’une nouvelle forme d’attentat : acte isolé d’un déséquilibré pas téléguidé par EI etc. ils peuvent toujours dire qu’il faut aussi pouvoir gérer à l’avenir ce nouveau type de menace.
    A leur place, je défendrait bec et ongles la (votre) théorie de l’acte isolé.
    Putain de camion quand même 🙁