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Le monde culturel britannique craint les conséquences du Brexit


Le réalisateur Ken Loach (C), le scénariste Paul Laverty (G) et la productrice Rebecca O'Brien reçoivent la Palme d'Or à Cannes pour le film le 22 mai 2016. (Photo : AFP)

Le monde de la création artistique britannique s’inquiète après le résultat du référendum en faveur d’une sortie du Royaume-Uni de l’Union européenne des conséquences sur leur emploi de financements annulés et des possibles entraves à la libre circulation des travailleurs.

Au lendemain du vote, le 24 juin, spectateurs et musiciens du célèbre festival de musique de Glastonbury ont formé un immense coeur lors d’un rassemblement spontané pour marquer leur attachement à l’UE.

Sur la radio Classic FM, le violoncelliste britannique Steven Isserlis a raconté comment il avait rêvé de la victoire du Brexit. « Je me suis réveillé et j’étais soulagé que ce ne soit qu’un rêve, mais en allumant mon ordinateur, j’ai découvert, avec horreur, que ce rêve s’était réalisé », a-t-il ajouté. Josie Rourke, la directrice artistique du théâtre londonien Donmar Warehouse, a, elle, écrit sur Twitter: « Canada? », plaisantant sur la possible destination de son exil post-Brexit.

Effet « régénératif » de l’Europe

S’il est encore trop tôt pour déterminer quel sera l’impact précis du Brexit sur la création musicale, le cinéma, les musées ou les théâtres, la plupart des créatifs de ces secteurs partagent la crainte que les changements soient négatifs. Norman Lebrecht, un commentateur culturel influent, a affirmé que la libre-circulation en vigueur en Europe avait eu un effet « régénératif » sur les orchestres britanniques, avec l’arrivée de talents européens.

« L’atmosphère des orchestres dans son ensemble en a été changée. Si vous revenez en arrière… je pense que vous serez confronté à une stagnation », a-t-il dit. Il craint également que le projet de construire une nouvelle salle de concert pour accueillir le chef d’orchestre britannique Simon Rattle et l’Orchestre symphonique de Londres puisse être suspendu en raison d’un manque d’investissements post-Brexit.

Pour John Smith, secrétaire général du syndicat des musiciens (MU) qui représente 30 000 musiciens professionnels, le résultat du référendum l’a mis dans une « profonde dépression ». « Au fil des ans, les membres du MU ont tiré profit des frontières ouvertes, d’un régime protecteur de droit d’auteur et de plusieurs directives qui ont été bénéfiques pour eux sur leurs lieux de travail », a-t-il rappelé.

Sans compter les subventions européennes allouées à nombre de secteurs et en particulier au cinéma. Le programme européen MEDIA a ainsi versé près de 130 millions d’euros depuis 2007 au cinéma, à la télévision et aux industries numériques britanniques. Les films oscarisés « Slumdog Millionaire » et « Le Discours d’un Roi » ont tous deux été aidés pour la distribution par le programme européen avant de devenir des succès.

Pour Rebecca O’Brien, productrice de toujours du réalisateur britannique Ken Loach avec lequel elle a monté la maison de production londonienne Sixteen Films, la perte de cette aide en matière de distribution sera très handicapante. « Nous parlons de films locaux créés par des cinéastes britanniques, ce sont les plus touchés », a-t-elle assuré. Selon elle, le soutien européen a permis l’émergence de toute une série de films indépendants britanniques ces dernières années.

La certitude des règles, « un impératif »

« Vous pouvez bien sûr faire un film au Royaume-Uni sans participation européenne, mais ça aide vraiment », a-t-elle expliqué. « Notamment pour les productions les plus innovantes et créatives, elles ont toutes été faites avec des partenariats européens ». La productrice a bon espoir que les cinéastes vont parvenir à trouver un moyen de faire avec mais elle estime que le Brexit « met des obstacles sur le chemin » du processus déjà complexe de la fabrication d’un film.

Beaucoup craignent aussi la période d’incertitude avant la sortie effective du pays de l’UE qui pourrait prendre deux ans, une éternité pour des milieux où les projets nécessitent des mois voire des années de préparation. « Produire des films et des programmes télévisés coûte très cher et est une entreprise très risquée. La certitude quant aux règles ayant un impact sur ces productions est un impératif », a rappelé Michael Ryan, le président de l’Alliance des films et de la télévision indépendante qui représente les indépendants de ces secteurs à travers le monde.

Le Quotidien/AFP