La crise au Labour britannique franchit un nouveau palier lundi avec l’annonce de la candidature de la députée Angela Eagle pour détrôner le chef du parti Jeremy Corbyn, en pleine tourmente depuis la victoire du camp du Brexit.
Cette candidature ouvre la voie à de nouvelles élections pour désigner le chef du principal parti d’opposition britannique, dont les divisions ont été exacerbées par le vote du 23 juin en faveur d’une sortie de l’Union européenne.
Triomphalement élu en septembre à la tête du Labour grâce au vote des militants, Corbyn n’a jamais réussi à s’imposer auprès d’une grande partie des cadres du parti, qui le jugent trop à gauche, et incapable de remporter des élections législatives. Les critiques ont redoublé ces deux dernières semaines, avec une motion de défiance des députés travaillistes et la démission des deux tiers de son cabinet fantôme.
« Le Labour a besoin d’être sauvé », a déclaré Angela Eagle, 55 ans, dans une interview au Daily Mirror. « Je tiens à faire en sorte que notre pays puisse retomber sur ses pieds » après le Brexit, a ajouté celle qui devait annoncer officiellement à la mi-journée sa candidature.
Alors que les frondeurs avancent leurs pions, M. Corbyn a indiqué qu’il était prêt à se battre pour conserver son poste, et le comité exécutif du parti doit se réunir pour décider s’il doit recueillir le soutien de 50 députés pour concourir, ou s’il est automatiquement candidat. « Il serait contraire à la justice et à l’équité que le leader en poste ne soit pas dans le scrutin », a estimé Diane Abbott, une proche de M. Corbyn, lundi matin sur la BBC, en qualifiant Mme Eagle de candidate du passé. Angela Eagle « a voté pour la guerre en Irak, elle a voté pour les frais universitaires, c’est la candidate de l’Empire contre-attaque », a-t-elle ironisé.
Commentant ces querelles d’appareil, Iain Begg, un expert de la London School of Economics (LSE), a estimé qu’elles étaient en train de « détruire le Labour ».
Osborne à New York
La guerre des chefs se poursuivait aussi côté conservateur après la démission, au lendemain du référendum, du Premier ministre David Cameron. La course oppose la secrétaire d’Etat à l’Energie pro-Brexit Andrea Leadsom et la ministre de l’Intérieur Theresa May, une eurosceptique qui s’était finalement rangée dans le camp du maintien dans l’UE. Cette dernière a lancé lundi matin à Birmingham (centre de l’Angleterre) sa campagne avec un discours laissant peu d’espoirs à ceux au Royaume-Uni qui réclament un deuxième référendum. « Je ne saurais être plus claire: il n’y aura pas de tentative pour rester au sein de l’UE », a-t-elle dit. « Brexit signifie Brexit » et « nous en ferons un succès ».
Ces déclarations interviennent alors que plus de mille avocats ont écrit à David Cameron pour réclamer que le Parlement étudie avec soin l’opportunité de lancer la procédure de divorce avec l’UE. Soulignant que le référendum n’était « pas contraignant », ils affirment que « le résultat du référendum a été influencé par une présentation tendancieuse des faits et des promesses qui ne peuvent être remplies ».
Sur le front économique, le ministre des Finances George Osborne devait se rendre lundi à New York pour convaincre de la volonté de son pays de maintenir un climat favorable aux affaires, malgré le Brexit, avant d’aller réitérer le message en Chine et à Singapour. « La décision britannique de quitter l’UE entraîne clairement des défis économiques, mais nous devons désormais faire le maximum pour faire du Royaume-Uni le meilleur endroit du monde pour faire des affaires », a expliqué M. Osborne.
Dans une tribune publié dans le Wall Street Journal, il a réitéré son souhait de diminuer l’impôt sur les sociétés au Royaume-Uni d’environ 20% actuellement à 15%, voire moins, pour ainsi envoyer un « message » sur le fait que son pays est « ouvert aux affaires », malgré les critiques de plusieurs pays européens qui y voient une forme de dumping fiscal.
Le projet a été vertement critiqué lundi par le ministre français des Finances Michel Sapin. « On ne se sort pas d’une difficulté dans laquelle on s’est mis soi-même en faisant des annonces de cette nature », a jugé M. Sapin, pour qui « dans l’Union ou pas dans l’Union, chacun doit avoir un comportement amical ».
Le Quotidien / AFP