Le Quotidien Indépendant Luxembourgeois
À Mersch, la Kulturhaus cherche à se démarquer en prenant des chemins de traverse.
Karin Kremer, la directrice de la Kulturhaus, définit avec justesse et humour la situation géographique de son temple : «Onze kilomètres derrière, il y a l’imposante capitale. Si, en arrivant le matin, j’oublie de freiner, je me retrouve au CAPe. Et quand je tourne la tête à gauche, il y a Mamer, et à droite, le Trifolion d’Echternach»… Autant d’endroits où la culture n’est pas un vain mot, et avec lesquels il faut composer pour proposer une programmation qui se tienne et qui ne marche pas sur les plates-bandes des autres.
D’où cette philosophie, entretenue depuis douze années, articulée par la nécessité de «trouver sa position dans une petite région» : «Ici, on avance en lisière de route. On se découvre chaque saison. Un esprit sans frontières, libre et audacieux.» Pour preuve, cette affiche multiforme qui place côte à côte spectacles pour jeunes enfants (le cycle CAKU, l’un des piliers de l’institution), élans sociaux-culturels et créations nationales, comme l’année dernière, la pièce musicale Call Me Madam, de Claude Mangen. Une diversité dont se sont réjouies plus de 20 000 personnes la saison dernière.
La prochaine, elle, reste sensiblement dans la même veine que les précédentes, avec certes, deux nouveautés qui se répondent : une nouvelle salle sera en effet inaugurée, la Kleng Bühn, espace plus intimiste imposant les formes, sur et devant la scène. Parallèlement, un appel à candidatures sera lancé auprès d’artistes professionnels pour une carte blanche où ils seront invités à laisser libre cours à leur imagination («Fräiraum»).
Afflux d’Anglais
Même si le théâtre, à la Kulturhaus, connaît des «hauts et des bas», pour sa directrice, «il faut le présenter!» Dans cette discipline, le temps fort sera indéniablement Meerfahrt mit Don Quijote, lecture musicale avec un «superbe» trio : Catherine Kontz, Dietmar Bär et Cathy Krier. La danse, elle, par contre, reste une fierté du côté de Mersch, il est vrai appuyé par le Trois C-L : «C’est une cerise sur le gâteau! C’est un domaine toujours en mouvement, avec de jeunes chorégraphes incroyables.»
Si le projet blanContact en est, pour une huitième fois consécutive, une illustration singulière (avec des danseurs avec et sans handicap physique), cette passion pour les corps en mouvement s’illustrera notamment à travers la résidence de la Luxembourgeoise Simone Mousset qui, pour Bal, mariera danse contemporaine et folklorique. Outre une exposition qui tient à cœur à Karin Kremer – «VisàVis», en collaboration avec l’atelier Cooperations Art de Wiltz, la directrice tient à souligner les efforts mis en œuvre par la Kulturhaus envers les plus jeunes, que ce soit à travers son programme «Bock op Kultur!» destiné aux adolescents, ses multiples ateliers ou encore sa «Summerakademie», qui «prend de plus en plus d’ampleur». «Si ça se trouve, parmi eux, il y a un futur Picasso ou Nijinski!», ajoute-t-elle.
Une volonté de ne pas rester sclérosé dans les simples propositions culturelles, et de s’ouvrir à d’autres publics, qui plaît à la commune, «plus grand soutien» de l’établissement. «Ça prouve sûrement la qualité de notre travail, qui va bien au-delà des frontières merschoises», dit-elle. Étonnante illustration de cette généreuse ouverture à tous les groupes sociaux, y compris les plus fragiles, ce pan de la programmation ouvert au théâtre… anglophone!
«Si les francophones ne viennent pas et préfèrent le CAPe, les Anglais, eux, s’intéressent à nos activités. C’est quelque chose d’assez formidable», confie-t-elle, précisant que, dans le lot, les Portugais étaient aussi bien représentés. Car la Kulturhaus se «sublime» pour attirer et satisfaire son public. Et quand on parle d’argent, nerf de la guerre, Karin Kremer connaît la parade : «On parle trop de dépenses! Moi, je préfère le terme « investissement ».» Plus positif, en effet. Et pour les retombées financières, «on verra plus tard»…
Grégory Cimatti
