Le Bangladesh a assuré dimanche que le massacre de 20 otages, dont 18 étrangers, à Dacca avait été perpétré par les membres d’un groupe jihadiste local et a rejeté toute implication de l’organisation Etat islamique (EI).
Au premier de deux jours de deuil national, des détails ont émergé sur la façon dont les assaillants du restaurant de ce quartier huppé de la capitale ont épargné les musulmans pour concentrer leur furie meurtrière sur les étrangers.
Dénoncé dans le monde entier, ce massacre commis dans la nuit de vendredi à samedi a été revendiqué par l’EI qui dit s’en être pris à un rassemblement de « citoyens d’Etats Croisés ». Parmi les victimes se trouvaient neuf Italiens, sept Japonais, un Américain et une Indienne.
Mais le ministre de l’Intérieur du Bangladesh a assuré que les assaillants appartenaient à un groupe extrémiste bangladais et non à l’EI. Six d’entre eux ont été abattus par les forces de sécurité tandis qu’un septième a été pris vivant.
« Ils sont membres du Jamaeytul Mujahdeen Bangladesh » (JMB), a dit le ministre Asaduzzaman Khan à l’AFP, mentionnant ce groupe jihadiste interdit depuis plus d’une décennie. Selon lui, « ils n’ont aucun lien avec l’Etat islamique ».
Le chef de la police du Bangladesh, Shahidul Hoque a déclaré que les enquêteurs se pencheraient sur l’hypothèse d’un « lien international » mais a ajouté: « nous soupçonnons avant tout les membres du JMB ».
Lors de l’attaque lancée vendredi, les hommes lourdement armés ont massacré la plupart des otages à l’arme blanche. Deux policiers bangladais ont également été tués.
Cette prise d’otages d’une gravité inédite au Bangladesh intervient après des mois de violences marquées par les meurtres d’intellectuels et de membres de minorités religieuses, revendiqués par l’EI mais dont le gouvernement nie la présence dans le pays.
Les analystes estiment que le Bangladesh ne veut pas admettre l’existence d’organisations jihadistes internationales sur son sol par crainte de faire fuir les investisseurs.
Pour Shahedul Anam Khan, analyste pour le quotidien Daily Star, après cette dernière attaque, le gouvernement ne peut plus raisonnablement nier leur présence active.
« On n’est pas sûr que ces personnes soient liées de façon organique à des groupes extrémistes internationaux mais le gouvernement doit reconnaître la marque de l’EI dans ce pays et la multitude des démentis ne pourra rien y changer », dit-il.
« Les musulmans épargnés »
Pour marquer le deuil, les drapeaux étaient en berne sur les bâtiments officiels et des cérémonies religieuses sont organisées dans tout le pays.
L’Italie pleurait la mort de neuf de ses ressortissants tandis que le Japon, qui déplore la mort de sept Japonais, a exprimé sa colère devant « les vies innocentes perdues ». Au moins 13 otages ont par ailleurs été secourus par les commandos lors de leur intervention.
Un employé bangladais du restaurant a raconté que les jihadistes avaient clairement expliqué qu’ils s’en prendraient uniquement aux non-musulmans. « Ils m’ont emmené avec deux de mes collègues et nous ont forcés à nous asseoir, la tête sur une table », a-t-il dit à l’AFP sous couvert d’anonymat. « Ils m’ont demandé si j’étais musulman. J’ai dit oui et ils m’ont dit qu’ils ne feraient aucun mal aux musulmans et n’en tueraient aucun ». « J’ai prié Allah, la tête penchée. J’ai vomi plusieurs fois. Ils nous ont avertis de ne pas relever la tête mais à un moment je l’ai légèrement relevée et ai vu un corps ensanglanté au sol ».
Le ministre de l’Intérieur bangladais a assuré que tous les preneurs d’otages avaient fait de solides études. « Il s’agit de jeunes hommes très instruits qui ont fréquenté l’université. Aucun ne vient d’une madrasa » (école coranique), a dit le ministre.
Les autorités du Bangladesh ont arrêté le mois dernier 11.000 personnes, dont seulement quelques centaines d’islamistes extrémistes, en réaction à la vague de meurtres qui éprouve le pays.
Le principal parti islamiste, allié de l’opposition, est interdit de participation aux élections et ses dirigeants sont en prison ou ont été exécutés après des procès pour leur rôle commis pendant la guerre d’indépendance de 1971 contre le Pakistan.
L’opposition a dénoncé ces arrestations comme une tentative de museler toute voix discordante.
Le Quotidien / AFP