Pour Xavier Bettel, le Brexit, qui profite à Luxembourg, symbolise néanmoins l’échec d’une certaine Europe. Un débat sur les conséquences du Brexit a eu lieu jeudi à la Chambre des députés.
Dans sa déclaration sur le Brexit, mercredi, devant la Chambre des députés, le Premier ministre, Xavier Bettel, a qualifié de vote «à respecter» l’issue du référendum du 23 juin, tout en regrettant le départ d’un partenaire économique de taille. «Il n’y a aucune raison de s’en réjouir» a estimé le chef du gouvernement, qui pense néanmoins que «la balle est désormais dans le camp britannique» , celui-ci n’ayant pour l’heure pas encore invoqué l’article 50 du traité de Lisbonne, article qui ouvrirait le processus de sortie de l’Union européenne. Et «tant que cela ne s’est pas fait, il ne faut pas non plus commencer à négocier» , a déclaré jeudi le Premier ministre, de concert avec ses homologues européens, qui accusent la Grande-Bretagne de vouloir une «Europe à la carte» .
Entretemps, Xavier Bettel se veut rassurant : «Rien ne change» , a-t-il ainsi déclaré en direction des citoyens britanniques inquiets qui vivent et travaillent au Luxembourg, du moins pour l’instant. Mais dans les coulisses, l’implantation de l’une ou l’autre banque londonienne au Luxembourg se concrétise (HSBC et JP Morgan selon le Times ), même si là-dessus Xavier Bettel s’est voulu aussi discret que son ministre des Finances, se contentant de noter que la Grande-Bretagne se trouvait depuis longtemps déjà «sur le radar du Luxembourg» . Puis de rappeler en guise d’exemple les «18 visites à Londres» de Luxembourg for Finance, l’agence de promotion de la place financière grand-ducale.
Le «Luxit» n’est pas une option
Le Premier ministre a en revanche beaucoup parlé de la signification du Brexit pour un projet européen «guère attrayant aux yeux de beaucoup de citoyens» , car ayant perdu de vue «la dimension sociale» . En effet, aux yeux de Xavier Bettel, l’Europe ne peut pas se réduire à un «échange de marchandises et de capitaux» , à la recherche de «main-d’œuvre bon marché» , au «dumping social» . Il rejoint sur ce point la position de beaucoup d’Européens déçus par Bruxelles.
Mais, met en garde Xavier Bettel, nous ne devrions pas «accuser Bruxelles de tout ce qui ne va pas» . En tout cas, pour ce qui est du Grand-Duché, un éventuel départ de l’Union européenne, un «Luxit» , serait totalement insensé : «Sans l’Europe, nous n’aurions pas d’avenir» , a déclaré le Premier ministre, qui semble s’attendre à tout de la part des Luxembourgeois.
Claude Wiseler, le chef de fraction du CSV, a lui insisté sur une mise en marche «rapide» du processus d’exclusion de la Grande-Bretagne pour empêcher que l’ «incertitude» qui règne actuellement «continue d’affaiblir l’Europe» . Mais pour le député chrétien-social, le Brexit doit être l’ «opportunité de réfléchir sur soi» , maintenant que l’argument des Britanniques «qui freinent tout» ne serait plus d’actualité. Histoire de «raconter à nouveau l’Europe» .
Analysant la stratégie du camp de la sortie, il a parlé d’une «campagne fausse et indigne» , entièrement «manipulée pour des raisons de politique intérieure et de lutte au sein des partis» .
Comme avant lui le Premier ministre, Claude Wiseler a estimé que l’Europe, désormais, doit produire à la fois «croissance et emplois» , mais a exclu de remettre en question les traités fondateurs de l’Union : «Utilisons déjà les possibilités comprises dans le traité de Lisbonne» , a ainsi déclaré le député chrétien-social, qui rêve néanmoins d’un «retour à la vraie vie» où les critères de Maastricht, «quoique justes» , ne seront plus perçus comme «une raison en soi» . De la même manière, il a exclu d’entrer dans un débat autour de Jean-Claude Juncker et sa position de président de la Commission européenne.
Jeudi, il a également été brièvement question de l’attitude à avoir face à la Grande-Bretagne, face à la situation. De ce qu’il fallait éviter : «l’arrogance» ou une mentalité «punitive» . Le libéral Eugène Berger a d’ailleurs souligné que «Luxembourg et Londres ne furent jamais concurrents» , mais a reconnu que «l’une ou l’autre banque pourrait venir renforcer sa succursale à Luxembourg» .
Il s’est d’ailleurs moqué à cet égard de Francfort (qui vient de mettre en place une ligne directe pour les entreprises britanniques intéressées). Selon lui, les entreprises auraient regardé bien en amont du Brexit où se situerait le «savoir-faire pour travailler dans la continuité» , louant au passage «l’habile (smart) manière de Pierre Gramegna» d’attirer des investisseurs potentiels.
Frédéric Braun