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ArcelorMittal : « Si l’automate s’arrête, l’usine s’arrête »


Le four à arc électrique en pleine action : l'acier se liquéfie grâce au pouvoir de la fée électricité. (Photos Alain Rischard)

Suite de notre série sur les métiers de la sidérurgie avec l’homme qui parle à l’oreille des robots : l’automaticien.

Au site differdangeois d’ArcelorMittal, Benoit Magonnette commande aussi bien à la foudre qu’au feu. Et ceci, avec seulement quelques lignes de codes, derrière son ordinateur…

Un gigantesque four irradie une lumière intense. De la matière en fusion scintille à son sommet. Mais ce n’est qu’à l’ouverture d’une vanne que l’on saisit vraiment ce qui se passe. Une coulée d’acier presque blanche se déverse, entrecoupée d’éclairs : à l’intérieur de ce volcan, l’arc électrique se déchaîne. «Chaque instant, c’est l’équivalent de la consommation électrique d’une petite ville qui est englouti pour faire fonctionner ce four. Pour vous dire, on a une ligne à haute tension juste pour nous. Pas pour alimenter des frigos ou des lampadaires, non. Juste pour cette usine», hurle Benoit Magonnette, à peine audible.

Cela paraît fou. Pourtant, ce four parvient à faire fondre 150 tonnes de mitraille en moins d’une heure, avec seulement des éclairs. Le principe ? Imaginez une électrode en carbone de sept mètres, sorte de grosse mine de crayon, que l’on plonge dans cette cuve. En provoquant un arc électrique, l’énergie thermique ainsi produite va littéralement liquéfier le métal qui s’y trouve.

Or un homme n’est pas étranger à tout cela. «Mon programme informatique contrôle cet arc électrique. On gère la tension, le déplacement du bras porte-électrode… Tout est contrôlé.» Nous avons rencontré le maître de la foudre ! Mais un détail nous turlupine : ce four fait fondre de l’acier dans une cuve… en acier. Pourquoi ne fond-elle pas également ? «Pour éviter que la cuve ne fonde elle aussi, elle est refroidie. C’est un procédé complexe, tout est question d’équilibre.»

Pas une seule lumière qui clignote par hasard

Un futur "os de chien"

Un futur « os de chien »

Pour ce numéro de haute voltige, même un Einstein aurait une panne de cerveau. Non, il faut un ordinateur pour gérer toutes ces données. «Faire fonctionner un four, cela demande un travail considérable : des centaines de paramètres sont contrôlés plusieurs fois par seconde. Si on devait remplacer l’ordinateur par des humains, on n’y arriverait pas!», nous explique-t-il.

Benoit Magonnette est ingénieur automaticien. Il s’occupe notamment du four à arc électrique. Car la sidérurgie, comme tant d’autres secteurs, est désormais tributaire de l’automatisation. Avec des lignes de 0 et de 1 entrées dans des ordinateurs, on peut commander la foudre, dompter l’acier en fusion ou bouger des chariots de plusieurs tonnes. Comme par magie, avec quelques boutons.

Depuis la salle de contrôle, on observe une sonde plonger dans le four : 1 620 °C, affiche instantanément l’ordinateur. Malgré l’épais vitrage qui nous sépare, on n’a aucun doute sur l’intensité de la fournaise. «Ici, il n’y a pas un interrupteur qui clignote par hasard. Tout est contrôlé. Avant, c’était plus compliqué. Il fallait éteindre le four et utiliser des sortes de perches pour mesurer la température. Là, c’est robotisé et il n’y a pas d’interruption.»

En moins d’une heure, ce four liquéfie 150 tonnes de mitraille, avant de recommencer un nouveau cycle. L’acier liquide va être transformé en demi-produit, des poutres d’acier également appelées «os de chien», avant d’être transformé. Mais ceci est une autre histoire…

Romain Van Dyck

« Je voulais être inventeur »

20160615, Differdange, reportage, ArcelorMittal, Benoit Magonnette (Automation Engineer) informatique industrielle, Photo : Alain Rischard / EDITPRESS« Petit, je voulais être inventeur. Et je le suis devenu », sourit Benoit Magonnette. Né à Messancy en 1978, ce diplômé en automation et régulation travaille depuis maintenant 15 ans chez ArcelorMittal.

«Maintenant, tout ou presque passe par l’automatisation. On entre des lignes de code pour tout calibrer : vitesse, température, cadence… Je suis derrière ça. Je commande des machines de 100 tonnes avec quelques lignes de code.» À le voir sourire comme un gosse, nul doute qu’il s’éclate. «Si l’automate s’arrête, l’usine s’arrête. L’automatisation, c’est un accélérateur de production, un levier d’efficacité. Si on dit 240 °C, l’ordinateur va à 240 °C, pas 241. Un ordinateur n’a pas de problème de mémoire. S’il y a un problème, on a une traçabilité immédiate.»

«La machine prend le risque à notre place»

«Ces machines assistent l’homme, rendent le procédé plus facile. La machine prend le risque à la place de l’homme. Mais il peut y avoir des défaillances mécaniques ou robotiques, un capteur qui ne marche plus, et qui induit en erreur le programme. Donc, ma mission, c’est de réduire les risques, d’aider les gens à dépanner. Je fais d’ailleurs partie du service de maintenance. Mais le dépannage, c’est moins de 1% du temps. Le reste consiste à éviter les pannes en donnant les bons ordres aux machines. Je passe donc 98% de mon temps derrière l’ordi.»

Et anticiper plutôt que réparer, ce n’est pas une devise en l’air quand de l’acier en fusion est en train de s’écouler. «On peut pas se permettre une erreur. Un chariot contenant 150 tonnes d’acier liquide, il vaut mieux qu’il s’arrête là où on lui dit de s’arrêter, sinon…» Pas besoin de finir la phrase, en effet.

Prise de température : 1620 °C, affiche aussiôt l'ordinateur.

Prise de température : 1620 °C, affiche aussitôt l’ordinateur.

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